Créée en 2007 par des leaders européens, américains et israéliens, ELNET est une organisation qui a su gagner ses lettres de noblesse sur le terrain du réchauffement des relations entre l’Europe et Israël. Son ambition: “développer des partenariats stratégiques entre des États européens et Israël, basés sur des valeurs communes de démocratie, de paix, de liberté et de prospérité, pour la construction d’un avenir meilleur et plus sûr. ELNET impacte les politiques courantes affectant les relations entre l’Europe et Israël en construisant des relations entre des décideurs de haut niveau européens et israéliens, en organisant des programmes éducatifs visant à renforcer la compréhension mutuelle et en mettant à disposition des citoyens européens les moyens d’action nécessaires pour les impliquer dans l’action politique.”.
Instance non communautaire, elle est présente dans plusieurs capitales européennes et œuvre au quotidien pour rapprocher deux entités qui ont tant à partager et à gagner à mieux se connaître: l’Europe et Israël.
LPH s’est entretenu avec Arié Bensemhoun, Directeur général d’ELNET France.
Le P’tit Hebdo: Sur quels fondements se base le travail d’ELNET?
Arié Bensemhoun: ELNET est une organisation internationale qui travaille essentiellement sur les questions stratégiques pour renforcer les relations entre les pays européens et Israël. Par questions stratégiques, nous entendons tout ce qui touche à la politique étrangère, aux questions de sécurité et de terrorisme, à l’environnement, à l’innovation, à l’énergie ou aux nouvelles technologies.
ELNET fonde son action autour de trois axes principaux: l’éducation, la mise au point de moyens d’action et la mise en relation des principaux acteurs.
Lph: Nous connaissons surtout votre action à travers la venue de délégations en Israël. Est-ce le cœur de votre activité?
A.B.: En effet, se rendre sur place, faire découvrir le pays est encore le meilleur moyen de faire évoluer les esprits.
Ainsi, ELNET fait venir des délégations en Israël, composées de responsables politiques au sens large du terme, tous ceux qui sont concernés par les prises de décisions et l’élaboration des stratégies en Europe: élus, responsables de think tank, hommes d’affaires,…
Nous nous adressons au mainstream de la vie politique en balayant le spectre de la gauche à la droite.
Lph: En quoi consistent les voyages que vous organisez?
A.B.: Il s’agit véritablement de voyages sur mesure. Nous leur faisons respirer l’air d’Israël au sens propre et au sens figuré. Nous avons un passage obligé par Jérusalem. Nous leur montrons les lieux saints, la liberté de culte mais aussi les vestiges archéologiques et l’imbrication de populations qui existe dans la capitale. Cette mixité se fait somme toute dans une normalité qu’il est bon de venir constater sur place d’autant plus qu’elle présage de ce que pourrait être une situation apaisée.
Ensuite, en fonction de la nature de la délégation, nous les emmenons visiter des installations industrielles, des lieux de l’innovation, nous leur faisons rencontrer des décideurs israéliens, des spécialistes de la lutte anti-terroriste ou des symboles de l’économie et de l’innovation. Il nous arrive aussi d’organiser des visites en Samarie, notamment dans la zone industrielle de Barkan où travaillent ensemble Juifs et Palestiniens. Nous allons également sur le Plateau du Golan, sur lequel la souveraineté israélienne est contestée, pour que les membres des délégations constatent par eux-mêmes les enjeux stratégiques qui s’y déroulent.
La règle est qu’il n’y a pas de séjour type, tout dépend des objectifs de la visite. Sachant que nous n’avons que trois ou quatre jours, il faut être condensé et efficace.
Lph: Constatez-vous un “avant” et un “après” séjour pour les membres des délégations?
A.B.: Incontestablement. 100% des personnes repartent avec une idée différente de la réalité sur place. Tout devient plus clair pour elles, on a réussi à remettre de l’intelligence et du recul dans le flot d’informations auquel elles étaient exposées avant leur séjour.
Lph: Certes, tous ceux qui viennent en Israël se disent émerveillés par le pays. Mais concrètement, qu’est-ce que cela change sur le terrain politique français à leur retour?
A.B.: Ce changement de conception se traduit aussi dans les discours et parfois dans les actes. Aujourd’hui, les relais pour exposer une vision plus équilibrée de la réalité israélienne sont plus nombreux. Ce ne sont plus toujours les mêmes qui prennent la parole en ce sens. Il n’y a qu’à voir le nombre d’élus qui s’élèvent contre le boycott d’Israël, allant jusqu’à renforcer le dispositif législatif pour contrer BDS. Par ailleurs, nous sommes heureux de constater que plusieurs des personnes que nous avons emmenées en Israël y sont ensuite revenues par elles-mêmes.
Mais l’exemple le plus symbolique est certainement le résultat de la délégation d’Europe Ecologie Les Verts (EELV) que nous avons fait venir il y a trois ans. 12 élus du parti et du Parlement ont, en rupture avec les instructions de leur parti, accepté de venir sur le terrain. Parmi eux, le Président actuel de l’Assemblée Nationale, François de Rugy et l’ancien Secrétaire d’Etat, Jean-Vincent Placé. Quand on sait combien EELV soutient BDS et déteste Israël… Les membres de cette délégation ont participé à ce séjour en exprimant une amitié avec Israël qu’ils affirmaient compatibles avec leur soutien aux Palestiniens.
Le séjour les a transformés. A leur retour, ils ont tapé du poing concernant la ligne politique du parti sur le conflit israélo-palestinien. A cette même époque, EELV implose et on sait que parmi les lignes de rupture celle de la vision d’Israël en était une.
Enfin, je citerai l’important travail de coopération pour la lutte anti-terroriste qui nait souvent de ces voyages. Les parlementaires français viennent piocher de nombreuses idées en Israël, qui alimentent largement le débat en France.
Lph: Cette question de l’anti-terrorisme était-elle centrale pour la dernière délégation d’ELNET avec Manuel Valls?
A.B.: La visite de Manuel Valls s’inscrit effectivement dans ce contexte. Nous l’avons décidée au lendemain de l’attentat de Barcelone. Il faut dire que Manuel Valls a toujours été à la pointe dans le combat contre le terrorisme, l’antisionisme et l’antisémitisme. Sa participation à la conférence d’Herzliya contre le terrorisme était importante et il y a d’ailleurs fait une intervention remarquée.
Lph: Quel est le principal message que vous souhaitez transmettre aux décideurs avec lesquels ELNET est en contact?
A.B.: ELNET effectue un travail très important dans toute l’Europe. Les bureaux dans chaque pays européen s’attachent à adapter leurs actions en fonction des cultures politiques. Nous visons à développer une vision globale, qui prend en compte aussi les instances européennes et les diversités de cette région.
Nous voulons surtout instaurer une relation renforcée entre l’Europe et Israël, qui ne soit pas un rapport de condescendance. Nous montrons qu’Israël est un acteur majeur sur des questions dont dépend l’avenir de l’humanité et de la planète. Nous changeons l’image d’Israël en prouvant le rôle qu’il peut jouer et son apport déterminant au reste du monde, tout ce qui en fait un modèle.
Lph: Le Premier Ministre à l’ONU a vanté les succès diplomatiques d’Israël. Si on ajoute à cela, le constat que vous faites dans vos missions quotidiennes, on ne comprend pas pourquoi les votes dans les instances internationales continuent d’être contre Israël…
A.B.: Le temps diplomatique dépasse le temps humain. Pour un homme, une semaine fait 7 jours, à l’échelle du temps diplomatique et politique, 70 ans, l’âge d’Israël, c’est un jour. Sachons observer et apprécier le chemin parcouru. Israël est dans une situation inédite: il n’a jamais été aussi présent et aussi puissant sur la scène internationale. C’est le symbole de ce 70e anniversaire. Qu’est-ce que l’ONU? Ne soyons pas dupes… nous savons qui poussent à ces décisions anti-israéliennes. Elles n’empêchent pas la révolution de la coopération internationale à laquelle nous assistons. Et plus encore: au-delà d’Israël, c’est le peuple juif qui n’a jamais été respecté qu’aujourd’hui.
Lph: En 10 ans d’existence, pensez-vous qu’ELNET a réussi sa mission?
A.B.: Dix ans, c’est jeune pour une organisation comme ELNET. Mais sans doute, notre influence porte ses fruits. Dans le créneau sur lequel nous nous situons, nous avons contribué à changer le regard sur Israël. Nous avons, tout au moins, permis à beaucoup de sortir de la caricature: Israël n’est ni condamnable en tous points, ni parfait. Israël est à visage humain avec ses forces, ses faiblesses, ses défauts et ses qualités. Oui, nous devons toujours évolué. En ce qui concerne ELNET, notre mission ne sera jamais terminée, c’est le rêve européen que nous voulons faire redécouvrir et comprendre à travers l’exemple d’Israël.
Pour aller plus loin:
Propos recueillis par Guitel Ben-Ishay