Les Yamim Noraïm, ces jours de repentance, nous plongent dans un état d’esprit parfois anxieux. Serons-nous pardonnés? Saurons-nous demander pardon? Nous sera-t-il permis d’avoir une seconde chance pour réparer ce que nous avons mal fait ou pour réaliser ce que nous avons délaissé?
Cette seconde chance, une partie de notre jeunesse en Israël en a grandement besoin. Malheureusement, notre pays n’échappe pas aux problèmes de délinquance, de drogue, d’alcool et de jeunes qui ne se sentent acceptés dans aucune structure. Ce phénomène est bien plus répandu qu’on ne le pense et touche toutes les catégories de la population.
Heureusement pour eux et pour notre société, des personnes ont décidé de faire de leur ”sauvetage” leur mission. Ce sont de véritables anges qui se dévouent sans compter pour que ces jeunes retrouvent leur place, que leurs talents et leur bonté prennent le dessus. Dans les pages qui suivent, nous allons vous présenter quelques-unes de ces âmes qui incarnent le hessed, sans lequel notre monde ne peut tenir. Ils permettent à notre jeunesse d’être animée de bonnes valeurs et de réintégrer une société à laquelle ils ont tant à apporter.
Pour ouvrir ce dossier, nous vous emmenons au Mochav Aminadav, près de Jérusalem, là où le Rav Haïm et la Rabbanite Yemima Mizrahi ont ouvert une Yeshiva atypique. Elle accueille des garçons qui ne se sont pas faits aux parcours classiques du monde religieux. Le Rav Haïm a accepté de répondre à nos questions.
Le P’tit Hebdo: Comment est née la Yeshiva Avnei Kodech?
Rav Haïm Mizrahi: Nous avons été sollicités par 5 jeunes qui avaient été renvoyés de toutes les yeshivot. Ils cherchaient leur place dans ce monde. Nous avons tout de suite compris que nous ne pouvions pas les abandonner. Il nous fallait un local pour pouvoir les accueillir et leur proposer le nécessaire.
Je me suis alors souvenu d’une conversation que j’avais eue avec une dame, un an auparavant. Elle me disait qu’elle possédait une maison avec un espace vert important, une ferme de chevaux, qu’elle mettrait volontiers à ma disposition si j’en avais besoin. Je n’y ai pas prêté plus d’attention, et je n’ai même pas retenu le nom de cette dame!
Alors que je me demandais comment faire avec ces jeunes et que je me désolais de ne pas avoir pris les coordonnées de cette personne, le téléphone sonne… Et c’est elle-même qui m’appelait pour me parler de toute autre chose!
Voilà comment nous avons trouvé un local et nous avons pu commencer un programme consacré aux jeunes rejetés.
Lph: Pourquoi ce nom, Avnei Kodech (les pierres saintes)?
Rav H.M.: Nous n’avons aucune équipe qui va sur le terrain pour chercher ces jeunes en perdition. Ce sont eux, et parfois leurs parents, qui viennent nous trouver. Ils ont envie de progresser. Ils veulent être bons. Ce sont de véritables diamants qu’il faut nettoyer.
Lph: Quelles sont les activités proposées?
Rav H.M.: Notre programme principal tourne autour de Torah et Kedoucha. Les jeunes garçons de la Yeshiva étudient la majeure partie de la journée. Nos enseignants savent s’adresser à eux pour les faire revenir vers ce lien avec la Torah qu’ils avaient perdu. Nous comprenons aussi que pour certains il soit difficile de s’assoir toute la journée. C’est pourquoi, nous leur permettons aussi de travailler. Enfin, à côté des cours et du travail, Avnei Kodech, c’est aussi un lieu convivial d’échanges, de relations humaines profondes et tellement utiles au retour de ces jeunes dans la vie ”normale”. Nous cultivons cet aspect à travers toutes sortes d’activités comme s’occuper des chevaux ou jouer de la musique. Nous accordons une attention particulière au fait qu’ils soient occupés du lever au coucher.
Nous avons voulu faire de cet endroit une véritable maison pour ces jeunes qui n’en avaient plus.
Lph: Récupérer des jeunes qui n’ont plus de repères, qui ont été rejetés, cela ne doit pas être facile pour obtenir leur coopération, leur attention. Devez-vous fixer une discipline de fer pour les encadrer?
Rav H.M.: Bien au contraire! Evidemment, nous fixons des règles, parce que vivre en communauté dans la Torah et la kedoucha exige certaines limites. Par exemple, les garçons n’ont pas de téléphone et n’ont pas accès à internet. Et il est si beau de voir à quel point, ils sont épanouis dans ces conditions. Ils nous disent souvent qu’ils préfèrent de loin s’occuper des chevaux ou aller se promener le long des sources près du Mochav plutôt que d’être sur internet.
Mis à part ces quelques exigences, nous leur laissons beaucoup de liberté parce que c’est ce dont ils ont besoin pour évoluer. Ainsi, nous ne fixons pas d’heure pour le minyan du matin. Ce sont eux qui l’organisent quand ils décident de se lever. Là aussi, le résultat est surprenant: aujourd’hui la plupart se lèvent au netz pour prier!
Sur le plan vestimentaire, nous avons tenté au départ d’imposer la tenue chemise blanche, pantalon noir. Mais c’était contre-productif. Donc nous les laissons choisir leur tenue et tout se passe très bien!
Lph: Combien de jeunes occupent actuellement la Yeshiva et de quel milieu sont-ils issus?
Rav H.M.: Nous avons commencé il y a deux ans et demi avec 5 élèves. Aujourd’hui nous en avons 40, qui comme je l’ai dit précédemment, viennent d’eux-mêmes nous trouver. Ils ont entre 16 et 22 ans.
La majorité sont issus des milieux religieux et outre leurs problèmes d’intégration dans le monde de l’étude, ils ont des problèmes relationnels avec leurs parents. Nous travaillons aussi à renouer ce lien. Comme le dit la Rabbanite Yemima, ”nous avons créé une maison pour les mères avant tout, pour ne plus entendre aucune mère dire: mon enfant n’a pas de place dans ce monde”.
Lph: Quel rôle joue la Rabbanite Yemima dans la Yeshiva?
Rav H.M.: Elle est le Rosh Yeshiva! Sans elle, rien ne peut se faire. Elle s’investit beaucoup dans la Yeshiva, nous prenons son avis sur chaque question. Elle nous donne beaucoup de force pour ne jamais renoncer à aucun enfant, même quand la situation parait inextricable.
Lph: Quelles sont les plus grandes difficultés que vous rencontrez au quotidien avec ces jeunes?
Rav H.M.: Le plus grand défi auquel nous devons faire face est celui de rendre ces jeunes heureux. Certains en sont arrivés au point qu’ils refusent le bonheur. Nous devons leur redonner le goût à cela.
Bien sûr, parfois nous devons recadrer certains comportements, mais dans l’ensemble, ils s’adaptent tous très bien.
Nous les voyons avec fierté progresser dans leur étude, dans leur relation à l’autre, dans leur comportement. Un groupe d’étudiants se rend même une fois par semaine à l’hôpital Hadassah Ein Kerem pour réjouir les malades avec de la musique et des conversations. Ils prennent avec eux une paire de tefilines et les font mettre à ceux qui n’auraient pas pu le faire! Ce sont des jeunes que nous avons récupéré de la rue, dans des situations que je ne préfère pas décrire en détails. Certains sont arrivés chez nous complètement fermés. Aucune communication avec eux n’était possible. Petit à petit ils s’ouvrent. Les voir capables d’être maintenant dans la situation de celui qui donne est une réussite incroyable et c’est d’abord leur victoire personnelle.
Lph: Quelle est la vie après Avnei Kodech?
Rav H.M.: Notre objectif est qu’ils restent de bons juifs, avec les bonnes valeurs. A vrai dire jusqu’à aujourd’hui aucun ne veut partir! Nous les préparons pour le mariage, c’est cette voie que nous pensons être la meilleure pour finir son parcours à Avnei Kodech. En deux ans et demi d’existence, nous avons déjà célébré la Houpa d’un de nos étudiants! D’autres suivront, avec l’aide d’Hachem!
Lph: Comment expliquez-vous que vous obteniez de tels résultats?
Rav H.M.: Si les jeunes se rebellent, c’est parce qu’ils veulent tester notre amour pour eux. Ils veulent vérifier si nous les aimons tels qu’ils sont et non tels que l’on voudrait qu’ils soient. Pour les aider à retrouver une place dans la société, nous devons leur donner beaucoup d’amour et leur envoyer un message clair que nous les acceptons et que nous sommes là pour eux. A Avnei Kodech, ils reçoivent cette chaleur, cette dose d’autonomie dont ils besoin et un cadre qui sait les comprendre, les écouter et les aider à monter. Nous les aimons et nous sommes avec eux, pour eux, tels qu’ils sont. C’est là que se trouve la clé.
Lph: A la veille de Rosh Hashana 5778, quelle pensée doit nous animer?
Rav H.M.: La Kabbale enseigne que Rosh Hashana est le temps de la réparation de notre volonté. Cette caractéristique de l’homme, nous la voyons tous les jours à Avnei Kodech: la volonté de ces jeunes hommes de devenir des personnes meilleures, de renouer avec leur vie, fait des prodiges.
Le jour de Rosh Hashana, nous devons penser à la volonté. En cet instant, l’homme doit être animé par beaucoup de bonne volonté, de bonnes pensées, et peu importe ce qu’il fait. Quand on manifeste de la volonté le jour de Rosh Hashana, on ouvre un grand canal pour toute l’année. C’est aussi cela, la signification d’un recommencement.
Pour plus de renseignements:
אבני קודש sur Google
Secrétariat de la Yeshiva: Yaël 054-6267100
Guitel Ben-Ishay