Le personnage que nous allons vous faire connaitre est un symbole national et une illustration de l’héroïsme et de la lumière que nous célébrons à Hanouka.
Ziv Shilon parcourt aujourd’hui le pays et le monde pour raconter son histoire qui ne peut que forcer l’admiration. Il y a 5 ans, à la même époque, jeune commandant de compagnie de 24 ans au sein de Guivati, il est gravement blessé à Gaza: il perd sa main gauche et la droite n’est sauvée qu’au prix de nombreuses opérations. Il a accepté de se livrer à LPH dans un entretien qui dévoile une réalité difficile mais un espoir et une leçon de vie qui montre une grandeur comme seul notre pays sait dévoiler.
”Pour la première fois, mes mains ont tremblé”
Ziv Shilon est originaire de Beer Sheva. Il devient vite un très bon élément à l’armée. Il est motivé et souhaite faire carrière au sein de Tsahal, qu’il respecte et admire plus que tout. Au moment où il s’orient sur cette voie, il fréquente une jeune fille, Adi, qui avoue que malgré l’amour qu’elle lui portait, elle vivait parfois difficilement l’investissement important de Ziv à l’armée, ne lui laissant que peu de temps pour eux.
Ziv nous raconte cette nuit d’octobre 2012 où sa vie a basculé: “J’étais commandant de compagnie, avec 135 combattants sous mes ordres. Notre mission était de nettoyer la ligne de séparation avec la bande de Gaza de tout explosif. Nous avions travaillé toute la nuit. Vers les 6 heures du matin, nous avons amorcé notre sortie de Gaza. Je suis parti en avant pour ouvrir un dernier portail qui nous permettrait d’entrer sur notre territoire. Derrière moi se tenait toute ma compagnie, à quelques 200 mètres de là où se trouvait ce portail. Le plan était que j’ouvrirais et qu’immédiatement après le premier tank entrerait et couvrirait le déplacement de toute la compagnie. Je me dirige donc en rampant et en courant vers ce portail. J’ai eu le sentiment que j’allais être blessé: quand j’ai commencé à ouvrir, pour la première fois, mes mains ont tremblé”.
La suite est terrible: l’ouverture a actionné un explosif commandé par un câble relié au portail. Ziv est expulsé sur 5 mètres à l’intérieur de la bande de Gaza. Il sent son corps qui le brûle et s’aperçoit que sa main gauche a été amputée par l’explosion. ”Le sang coulait et mon premier réflexe a été de vouloir stopper l’hémorragie en me servant de ma main droite”. Mais à cet instant, il se rend compte que sa main droite ne répond pas, elle est quasiment amputée, elle aussi. Ziv se retrouve seul, perdant beaucoup de sang et privé de l’usage de ses mains. Il se sert alors avec un courage et une détermination extraordinaires, de ses jambes, et court en tenant ce qui lui reste de sa main droite, avec 25 kilos d’équipement sur le dos, vers son équipe qui se trouvait en retrait.
A quoi pensez-vous à cet instant? Comment avez-vous surmonté la douleur pour courir sur plusieurs centaines de mètres?
“Au moment de l’explosion j’ai cru me trouver dans un rêve. Puis j’ai surtout ressenti des brûlures, pas vraiment de douleur. La première pensée qui m’a traversé l’esprit était celle de me dire que j’étais seul, incapable de me servir de mon arme et qu’il fallait que je parte le plus vite possible pour ne pas me faire enlever. Je ne sais pas d’où me sont venues les forces. Je suis un homme croyant, je sais que D’ieu m’a protégé”.
Votre équipe n’est pourtant pas très loin, les autres soldats n’ont rien vu, rien entendu?
“C’était une nuit avec un brouillard épais. Par ailleurs, d’autres explosifs étaient disposés un peu partout, ou du moins, nous savions qu’il s’agissait d’un risque important. Ils ont vu et entendu que quelque chose s’était produit, mais ils ne savaient pas comment arriver jusqu’à moi sans déclencher des explosifs. Il s’agit d’une scène de guerre, tout mouvement doit être pensé. Et le tout s’est déroulé très vite. Je suis arrivé à eux avant qu’ils ne puissent décider de bouger”.
Ziv se précipite alors chez l’infirmier, ”un jeune de 18 ans”, décrit-il avec tendresse et reconnaissance. Il lui fait un garrot et le stabilise. Puis il sera transféré à l’hôpital Soroka de Beer Sheva, en hélicoptère. “Lorsque je suis arrivé à l’hôpital, j’étais conscient, j’ai appelé ma sœur pour prévenir la famille. Puis les médecins m’ont plongé dans un coma artificiel qui a duré 4 jours”. Ziv subira une opération de 14 heures, des greffes de peau, 52 transfusions sanguines.
Une longue convalescence
Adi est immédiatement à son chevet. Elle est dévastée d’apprendre que la personne qui compte le plus pour elle se bat pour sa vie. Elle et toute la famille de Ziv prie pour qu’il ouvre les yeux, pour qu’il reste en vie. Et les prières de la famille Shilon doivent malheureusement aussi être destinées à la mère de Ziv, qui, au même moment, et dans le même hôpital, est traitée pour un cancer. “J’ai senti que ma blessure avait été un coup dur pour le moral de ma mère. Elle perdait son optimisme: son fils fort allait devenir un poids. C’est pour elle que j’ai recommencé à marcher, pour lui prouver que je pouvais être autonome et lui donner le sourire”.
Car la convalescence de Ziv va être longue et douloureuse.
Quand vous sortez du coma, votre première pensée est-elle d’être heureux d’être en vie?
Ziv nous l’avoue: “non”. ”Je me réveille dans une autre réalité. Je comprends tout de suite que ma vie est devenue très compliquée. Pendant trois mois, j’étais allongé sur le dos dans un lit d’hôpital; j’ai eu le temps de cogiter et cela ne m’a pas fait du bien”.
Ne plus avoir l’usage de ses mains, Ziv insiste, c’est ne plus pouvoir faire des choses basiques comme manger, se brosser les dents, se raser, se doucher, s’habiller. ”J’ai ressenti beaucoup de frustration”.
Ziv subit 6 opérations pour sauver sa main droite, dont il ne peut aujourd’hui que difficilement se servir.
Petit à petit, il réussit à réapprendre les mouvements de base: faire un pas, puis deux. Il entre, avec la détermination qui l’a toujours caractérisé, dans cette nouvelle réalité qu’il évoquait, celle où il doit vivre avec une prothèse à la place de sa main gauche et une main droite lourdement handicapée. Ziv fait preuve d’un courage et d’un optimisme qui émerveillent tout le monde et qui montrent à quel point, le qualificatif de héros le décrit bien. ”Ce que je me suis dit dès le moment de l’explosion, c’est que j’avais bien fait d’y aller moi et de ne pas avoir envoyé un de mes soldats. Je ne me le serais jamais pardonné”. Voilà qui est Ziv.
”Adi: mon ancre, mon héroïne”
Pendant cette épreuve si difficile, Adi est toujours présente. Elle ne quitte pas son chevet et met sa vie entre parenthèses pour être là pour lui. “Elle est l’héroïne de ma vie”, nous confie Ziv, ”C’est plus que de l’amour qu’il y a entre nous, c’est une vraie partenaire pour la vie”. Elle déclarera à la presse israélienne n’avoir jamais douté sur leur avenir: ”Peu m’importait ce qu’il avait. Nous allions surmonter. Je serai ses mains. J’ai toujours été convaincue que j’étais là où je devais être, avec la bonne personne”.
Le couple, qui n’est encore pas marié, traverse 3 années tumultueuses avec la blessure et la convalescence de Ziv. Leur vie est peu à peu rythmée par la convalescence et les conférences qu’il commence à donner. C’est lors de l’une d’entre elles, à Miami, dans un rassemblement des Amis de Tsahal, que Ziv va demander Adi en mariage. Il l’appelle sur scène à la fin de son intervention et lui tend la bague.
Peu de temps avant leur mariage, la mère de Ziv succombe à la maladie, plongeant encore une fois le couple dans la tristesse.
Tu choisiras la vie
Ziv a appris, ou a certainement toujours su, que le plus important est de voir la lumière dans l’obscurité, le bon côté des choses. Il épouse Adi et entame une vie conjugale heureuse malgré les limitations auxquelles il est confronté.
Puis en octobre 2015, à l’hôpital Soroka, là même où 3 ans plus tôt, Ziv se battait pour sa vie, Adi a donné la vie à leur fille, Shira.
“Nous pensions ouvrir une nouvelle page, après avoir passé tant d’années dans les hôpitaux”, mais très vite, la nouvelle tombe: Shira est albinos. Cette maladie se caractérise par une absence de pigmentation de la peau, des yeux et des cheveux. Shira ne voit quasiment pas et sera une enfant ”différente”.
“Au début, c’était dur à accepter”, se souvient Ziv. Adi le dira aussi: elle a beaucoup pleuré. Mais elle décide vite de choisir encore une fois la vie et de prendre son enfant tel qu’il est. Pour Ziv, cela a pris un peu plus de temps. ”Pour moi, il est plus facile de surmonter mes épreuves que les problèmes des gens que j’aime”. Ils doivent faire face à des épreuves importantes dans le développement de leur enfant et ils savent aussi qu’ils devront être forts par la suite.
Aujourd’hui, ils décrivent Shira comme leur plus grand cadeau. ”Avec elle, j’ai compris le sens de ma blessure. Si D’ieu m’a donné Shira c’est parce que j’ai les outils pour l’aider à grandir. Je sais ce qu’est être différent, je sais la force qu’il faut pour avancer”. Pour Ziv, cela valait la peine d’être blessé pour pouvoir aujourd’hui donner le meilleur à sa fille. ”Toujours voir le bon, dans tout”, c’est son credo, le message qu’il transmet dans les nombreuses conférences qu’il donne.
Il y a quelques semaines, 5 ans presque jour pour jour après sa blessure, Ziv est retourné encore une fois à Soroka. Cette fois c’était pour accueillir son deuxième enfant: un garçon prénommé Yehonathan – D’ieu a donné. “D’ieu m’a encore une fois donné la vie à cet instant”.
Se construire pour donner
L’héroïsme de Ziv s’est senti dès ses premiers pas à l’armée. Il a toujours vu comme un honneur le fait de servir dans Tsahal et de contribuer à la protection des citoyens d’Israël. C’est d’ailleurs pour cette raison qu’il n’a pas honte de la prothèse qu’il porte à la place de sa main gauche, elle est pour lui la marque de son dévouement pour la plus belle cause qu’il soit.
Une fois passées les premières années après sa blessure, Ziv, soutenu par Adi, entreprend de se reconstruire. Il commence des études de droit et tient à retrouver sa forme physique. Il a couru plusieurs marathons depuis sa blessure et se prépare pour l’Iron Man (180 km de vélo, 3,8 km de natation et un marathon). Parallèlement à ces stages en droit, il a créé 3 start-up et donne beaucoup de conférences.
”Je fais tout ça pour pouvoir donner. Je veux donner aux gens la motivation d’aller au bout de leurs rêves et de leurs capacités”. Ses messages, il les passe devant des lycéens, devant des publics variés et surtout devant des soldats. ”Je ne pouvais pas me résoudre à quitter l’armée. L’opération au cours de laquelle j’ai été blessé devait être ma dernière avant de prendre encore plus de responsabilité au sein de Tsahal. Je ne peux plus me battre aujourd’hui, mais au moins, par ma parole, j’agis encore”.
Vous vous présentez devant des soldats qui s’apprêtent à partir au combat. Vos messages sont fondamentaux mais ne craignez-vous pas aussi que les craintes qu’ils puissent éprouver ne soient renforcés en voyant ce qui vous est arrivé?
“Mon discours est toujours empreint d’optimisme, je souligne l’importance de toujours voir le bien. Il est influencé par ma personnalité et ma vision du service militaire. Est-ce que je referais aujourd’hui mon parcours militaire si je savais qu’il finirait par la perte de mes mains? La réponse est oui sans hésiter! C’est ainsi que je veux éduquer les nouvelles générations. Donner aux autres, donner à l’Etat: c’est fondamental”.
Vous vous êtes exprimé publiquement face à certaines divisions qui traversent la société israélienne. Vous côtoyez beaucoup notre jeunesse, avons-nous des raisons d’être inquiets?
“Notre jeunesse est formidable. Il ne faut pas se fier aux réseaux sociaux pour avoir une image authentique de ce qu’elle est. Oui, nous devons travailler à être davantage unis, à accepter les différences, les débats d’opinion. Ce sont les bases de notre avenir. La nouvelle génération me rend très optimiste: elle dit non à la corruption, elle veut voir le collectif et être combattante”.
Pourtant, on note une baisse de la motivation des jeunes pour les unités combattantes?
“Il ne faut pas s’en émouvoir plus que ça. Ce sont des périodes. Nous avons connu d’autres moments où cette motivation était en baisse. Elles ont toujours été suivies par un regain important de motivation pour ces unités. On ne peut pas toujours être constant. Je pense que la base de tout est d’apprendre que certaines personnes doivent être à l’abri de paroles déplacées. On ne parle pas mal du Premier ministre, du Président de l’Etat, du Chef de la Cour Suprême et surtout pas du Chef d’Etat-major. Ce sont des personnes qui donnent leur vie pour nous, ils ne vivent plus que pour nous, au détriment de leur propre famille”.
Quelle est la lumière qui éclaire notre société?
“Nos soldats, nos combattants. Ce sont des jeunes de 18 ans, qui à l’âge où ailleurs dans le monde, on est insouciant, on pense à s’amuser, laissent leur vie de côté pendant 3 ans pour leur pays. Parfois même ils la donnent”.
Et votre lumière personnelle?
“Ma famille au sens large et au sens plus restreint. Mon épouse, mes enfants sont mon moteur dans tout ce que j’entreprends. Comment pourrait-il en être autrement! Je remercie chaque jour pour ce que j’ai”.
Guitel Ben-Ishay
Article plein d’émotion.
Chapeau, Ziv.
RESPECT…..