Il est reparti. Après une permission de 24 heures bien méritée. L’arme en bandoulière, le badge des gardes-frontières de Jérusalem à la poitrine.
Et moi, sa mère, j’ai l’impression de le jeter dans la fosse aux lions. Tout mon corps se refuse à le laisser partir. Comment pourrait-il en être autrement ? Je passe mes journées à voir des vidéos de gardes-frontières au cœur des affrontements… Je passe mes nuits à penser à ce qu’il pourrait lui arriver.
En tant que journaliste, je suis abonnée à tous les groupes What’sApp anxiogènes : Maguen David Adom, police, armée, Hatzala. Je reçois en temps réel toutes les informations sur les attentats, tentatives d’attentats, jets de pierres, coups de couteaux, bombes incendiaires… Et lorsque j’entends parler d’un garde-frontière blessé, le rituel est toujours le même : je prends mon téléphone, je l’appelle, il ne me répond pas, je rappelle. Et là, soit il me répond la voix ensommeillée – il vient à peine de terminer huit heures de garde et je l’ai réveillé – soit il me dit : Ima, je ne peux pas te parler, on est en pleine opération, je te rappelle.
Il a voulu s’engager dans les gardes-frontières parce qu’il voulait « faire quelque chose d’important ». Voilà un an qu’il passe la majeure partie de sa vie dans le quartier musulman de la Vieille ville de Jérusalem. Sa base est au-dessus du Kotel. Son quotidien, ce sont les ruelles de la ”Atika” (la Vieille ville), comme il l’appelle.
Aujourd’hui, ce quotidien est au centre de l’actualité. A chaque attentat, les rues qu’il me raconte prennent forme devant mes yeux.
Ses frères se moquent de lui parce qu’on ne voit jamais son visage dans les photos publiés dans les journaux ou sur les réseaux sociaux. Et moi, je prie pour que l’on ne le voie jamais.
Mais en même temps, une voix, forte, confiante, sereine, se fait entendre. Celle qui remplit mon cœur de fierté. Celle qui me rappelle pourquoi nous sommes sur cette terre. Pourquoi nous la méritons. Celle qui me chuchote que s’il est aujourd’hui garde-frontière à Jérusalem, gardant les murailles de la Ville de David, de jour comme de nuit, c’est parce qu’il est l’un des maillons de cette chaîne éternelle du peuple juif.
Laly Derai pour Hamodia