Sofa Landver a reçu Avraham Azoulay pour une interview exclusive au lendemain de la réunion mouvementée avec les associations d’olim de France.
Avec à ses côtés Olivier Rafowicz, récemment nommé conseiller stratégique spécial pour l’alya de France au ministère de l’intégration, elle nous expose sa vision du rôle de l’Etat et de son ministère.
Le P’tit Hebdo: Quelle est la situation globale de l’alya et de l’intégration aujourd’hui?
Sofa Landver: La situation n’est pas mauvaise. Nous comptons au total, avec les citoyens de retour, 27000 olim cette année.
Cette satisfaction ne fait pas oublier la baisse de 30% du nombre d’olim de France que nous ne pouvons que déplorer.
Lph: Comment expliquez-vous à la fois la hausse drastique des olim de France en 2014-2015 puis la baisse conséquente que vous évoquez?
S.F.: Les événements en France depuis ces dernières années ont poussé un certain nombre de Juifs à songer de façon concrète à l’alya. Le Premier ministre et moi-même avons alors lancé le programme ”Tsarfat Te’hila” (La France d’abord) afin de répondre à cette tendance. C’est un mélange de ces deux composantes qui a favorisé la vague massive d’alya de France. Le ministère de l’alya et de l’intégration entreprend beaucoup d’initiatives en faveur de chaque olé.
Lph: Effectivement, on le voit dans les chiffres, sur le terrain. Mais malgré cette bonne volonté, nous ne parvenons pas à atteindre les résultats espérés. Pourquoi?
S.L.: La baisse du nombre d’olim vient, je pense, du fait que les esprits se sont un peu calmés en France. Les gens se disent que l’antisémitisme et ses diverses formes d’expression existent partout dans le monde et qu’il y a des hauts et des bas. Mais les Juifs ne doivent pas oublier que c’est ici leur maison.
Lph: D’où vient le sentiment des associations que l’Etat ne fait pas assez pour les olim de France?
S.L.: Je ne me permettrais pas de juger ce que chacun peut ressentir. Ce que nous devons expliquer aux associations et que nous avons commencé à faire lors de cette rencontre au ministère, c’est qu’il faut bien distinguer deux choses. Encourager à l’alya et aider à l’intégration sont deux opérations différentes. Les associations doivent être nos partenaires dans tous ces processus. Elles ont aussi leur part de responsabilité dans tout cela. En tant que ministre et ancienne ola, je sais que l’alya est quelque chose de personnel. Certaines démarches sont du ressort du gouvernement, d’autres sont du ressort personnel.
Ma ligne est ouverte à tous, tous les jours. Nous proposons beaucoup d’aide, d’accompagnement. Nous allons à la rencontre des olim de France partout dans le pays et nous les encourageons à aller dans d’autres endroits que le bord de mer. Nous les aidons à apprendre la langue, que ce soit dans un oulpan public ou prévu. Le ministère offre des formations professionnelles.
Lph: Ce qui est frustrant c’est le potentiel de 100 ou 200 000 Juifs de France qui sont prêts à faire leur alya et qui craignent de franchir le pas. Il leur manque un petit coup de pouce. Peut-être faut-il penser les choses différemment pour que ces volontés se concrétisent?
S.L.: Que manque-t-il? Traverser le processus d’intégration, je ne peux le faire pour personne. Nous faisons déjà des salons pour l’emploi, 280 classes d’apprentissage de la langue dans les écoles ont été ouvertes, nous avons reconnu des diplômes, nous avons supprimé nombre d’obstacles. Les olim doivent comprendre que tout ne peut pas venir de l’Etat. Je suis venue de Russie, de Saint Pétersbourg, une ville très culturelle, très belle. Je suis arrivée dans une chambre de 15 mètres carrés. Nous avions mon mari et moi des diplômes russes. J’ai passé les diplômes nécessaires pour exercer comme orthophoniste, mon mari ceux de dentiste. Nous ne mangions presque pas pendant deux ans parce que nous n’avions pas d’argent. Nous sommes arrivés de Saint Pétersbourg aux sables d’Ashdod. J’ai été la première conseillère municipale d’origine russe. Nous n’avons pas attendu que tout nous soit offert sur un plateau.
Ce que je peux vous assurer c’est qu’au sein de notre ministère nous avons augmenté le nombre de francophones, nous avons nommé un conseiller stratégique spécial pour l’alya de France: Olivier Rafowicz.
Lph: Parnassa, langue et logement: ce sont les véritables obstacles. Que peut-on proposer pour aider dans ces domaines, ce qui pourrait être déterminant pour de futures alyot?
S.L.: Israël est un pays d’alya de nombreux pays. C’est pour cela que nous ne pouvons pas entretenir pendant deux ans chaque olé qui arrive. Nous attribuons déjà des budgets conséquents pour les premiers temps ou pour créer une entreprise. Beaucoup de Français ont réussi ici sans pour autant recevoir tout ce que vous demandez aujourd’hui. Il y a aussi une question de volonté, sinon il n’y a aucune chance de réussite. Dans certains endroits du pays, un loyer coûte 2000 shekels par mois, des centaines de postes sont créés dans l’industrie, nous facilitons l’apprentissage de la langue. Quoi de plus? Par ailleurs, nous ne pouvons pas donner de privilèges à certains olim plus que d’autres. Quand je rentre dans une classe d’oulpan et qu’il manque la moitié du groupe parce qu’ils sont partis quelques jours en France, je me demande pourquoi?
Lph: Mais la France possède un énorme potentiel, peut-être faut-il quand même l’aborder différemment?
S.L.: Nous pouvons toujours mettre l’accent sur certains points très spécifiques aux Français mais la volonté du olé d’y arriver sera toujours au centre et ce qui sera décisif. Nous avons fait des heures de programme scolaire destinés aux enfants des olim. Je demande que pouvons-nous faire de plus? Je viens aussi d’un pays développé et différent d’Israël, nous avons dû recommencer. C’était dur, très dur même, mais je voulais réussir. La responsabilité de l’alya est sur l’Etat mais aussi sur les associations et sur les olim eux-mêmes. Une alya ne s’achète pas. Tout ne peut pas être décidé en fonction de la quantité d’argent que l’on recevra, d’avoir un logement, ou un travail garanti immédiatement et à vie. L’Etat d’Israël, à notre grand regret, ne peut pas se le permettre.
Olivier Rafowicz: Nous voulons tous que plus d’olim arrivent. N’oublions pas qu’en France, beaucoup d’acteurs freinent aussi à l’alya. Nous sommes en concurrence avec d’autres Juifs qui préfèrent laisser les Juifs en France ou les envoyer vers d’autres destinations qu’Israël. Pourquoi n’entendons-nous pas des critiques envers ceux-là? Pourquoi est-ce si difficile de parler d’alya en France? Pourquoi n’en parle-t-on pas de façon plus ouverte?
Lph: Tout ceci ne doit pas nous faire occulter le fait que l’on considère souvent les olim comme ayant les moyens de s’en sortir parce qu’ils viennent d’un pays développé mais beaucoup n’ont rien ou pas grand-chose. Pourquoi devraient-ils se sentir seuls dans cette démarche?
S.L.: Je répète que nous devons tous nous sentir concernés: Etat, associations et olim. Je souhaite seulement faire remarquer que la volonté de vivre en Israël doit se prouver en ne choisissant pas, par exemple, que des villes comme Ashdod, Raanana, Netanya ou Jérusalem, qui sont très chères. J’étais récemment à Nazareth Illit, le maire ne demande qu’à accueillir des olim dans sa ville!
O.R.: N’oublions pas que le Neguev ne serait peut-être pas israélien aujourd’hui si les Juifs ne s’y étaient pas installés. Les Juifs de France sont sionistes: c’est aussi cela le sionisme.
S.L.: Il faut s’ouvrir aux différentes options que le pays et le gouvernement offrent aux olim, elles sont nombreuses et répondent à beaucoup des besoins que vous énoncez.
Lph: Quel est votre principal message?
S.L.: Nous voulons les Juifs du monde entier en général et ceux de France, en particulier, en Israël. C’est le seul endroit où ils peuvent se sentir réellement chez eux et en sécurité. Cette volonté doit se traduire sur le terrain par des accompagnements et des aides que nous avons mis en place et que nous continuons à améliorer. Cette volonté signifie aussi que les associations doivent avoir une place prépondérante dans cette politique d’alya et d’intégration. Et enfin, il est fondamental de bien garder à l’esprit que l’alya est une démarche complexe et qui demande beaucoup d’investissement et de volonté personnelle, que jamais l’Etat ne pourra remplacer.
Propos recueillis par Avraham Azoulay
Photo à la une by Flash90
Viviane Rozenblum a raison : les arguments de Sofa sont mauvais et contre-productifs… peut-être que les associations méritent plus de soutiens !
Je crois que la différence de mentalité est un facteur non négligeable… matériellement les ex-sovietiques ont eu une plus grande aide et les Israéliens-indigenes se sont beaucoup mobilisés pour eux: c’est mon avis d’après mes discussions avecles uns et les autres…
Et puis il est très désagréable de s’entendre dire : Qu’etes- vous venus faire ici, la France ,il y a tout…?
Et aussi il est très difficile d’être critique,car un membre du Licoud m’a franchement dit que je n’avais qu’à rentrer ”chez moi”