La douleur et la peine nous envahissent lorsque l’on repense à ce 30 juin dernier… Hallel Yaffa Ariel, 13 ans 1/2, dort paisiblement chez elle, à Kiryat Arba. La veille, elle a donné avec ses amies à un spectacle de danse, à Jérusalem. Les grandes vacances commencent. Un terroriste d’un village arabe voisin s’introduit ce matin-là dans la chambre de la jeune fille, et l’assassine à coups de couteau dans son sommeil.
Comme à chaque fois que le peuple d’Israël est si durement frappé, nous découvrons des hommes, des femmes, des enfants, hors du commun. Nous regrettons alors de ne pas les avoir connus plus tôt et surtout de les rencontrer dans ces moments d’intense douleur, comme l’a souligné le ministre de l’Education, Naftali Bennett, lors de l’enterrement d’Hallel: ”Nous sommes venus trop tard te serrer dans nos bras”.
Les parents de Hallel, Rina et Ami’haï, se sont distingués par leur force, leur dignité et la façon dont ils ont renforcé et continuent de renforcer ceux venus pour les consoler.
A l’occasion des chlochim de cette âme si jeune et si pure, LPH s’est entretenu avec Rina Ariel.
Le P’tit Hebdo: Rina, tout d’abord, comment allez-vous au lendemain des chlochim de votre fille Hallel, Hy”d?
Rina Ariel: D’ieu merci, nous survivons. Hallel était une enfant, elle aura pour toujours 13 ans et demi. Elle n’a même pas eu le temps d’entrer dans l’âge que l’on dit difficile. Tout était tellement simple avec elle. Elle était enthousiaste, aimait la vie, aimait ses amies, se réjouissait de l’été qui arrivait. Elle savait être heureuse de chaque petite chose. Elle était une fleur en train d’éclore.
Malgré son jeune âge, elle était consciente de tout ce qui se passait autour d’elle. Dans le bus qui la ramenait de son spectacle de danse la veille de son assassinat, on lui a demandé si elle n’avait pas peur de vivre à Kiryat Arba. Elle a répondu simplement que non, elle aimait la maison, son lieu de vie. D’ailleurs, dans une de ses rédactions qui avait pour sujet d’écrire une lettre pour inviter une fille de l’étranger à venir chez elle, elle écrivait: ”Je sais que la situation sécuritaire est parfois difficile chez moi, mais nous vivons, nous continuons et nous aimons notre pays”.
Lph: Depuis l’assassinat d’Hallel, vous vous exprimez beaucoup dans les medias. Votre message est digne d’admiration, de respect. C’est impressionnant. Pourquoi ressentez-vous ce besoin ou cette nécessité de vous adresser à tout le monde?
R.A.: Nous ressentons qu’Hallel n’est plus seulement notre enfant. Ce qui s’est passé ce jour-là, n’est pas un évènement tragique privé, comme peut l’être une maladie ou un accident de la route. Il comporte une dimension nationale que nous ne pouvons ignorer. Hallel est devenue une partie de la grande histoire de notre peuple. Son assassinat n’est pas le fruit du hasard. Cette grande histoire est dure pour nous, mais aussi pour tout le pays, pour tout notre peuple et même pour le monde entier.
J’observe aussi ce qui se passe en France, ces derniers temps: c’est la même histoire. Notre drame personnel revêt une dimension qui nous dépasse, qui va au-delà de notre simple cercle familial.
Lph: Comment tenez-vous le coup en étant ceux qui renforcent alors que c’est nous qui nous devrions vous renforcer?
R.A.: Nous recevons beaucoup. Le fait que notre voix soit entendue est réconfortant. Nous avons appelé le peuple d’Israël à venir à Kiryat Arba pendant la Shiva. Le peuple est venu: religieux, laïcs, de gauche, de droite. Il n’y avait plus de clivages, nous étions réunis. Nous considérons que nous sommes là pour renforcer le bien, les bons. Et nous sentons que nous ne sommes pas seuls.
Pour les chlochim d’Hallel, nous avons organisé une soirée pour femmes. Elles étaient 500 à s’être déplacées! Il n’y avait même plus la place pour une aiguille dans la salle!
Lph: Parmi les appels que vous avez lancés, il y a eu celui, très suivi aussi, de monter sur le Har Habayit pour la fin de la shiva. Pourquoi?
R.A.: Nous sommes très attachés au Har Habayit. Nous y sommes toujours montés régulièrement. Har Habayit est notre cœur et nous ne voulons pas qu’il saigne. Nous devons en faire un endroit de vie, notre appel symbolisait cela: un appel à la vie là où notre cœur bat. Depuis l’assassinat d’Hallel nous y sommes allés avec un groupe de femmes, avec un groupe d’enfants aussi. Nous avons aussi décidé d’y monter tous les Rosh Hodesh entre femmes. Har Habayit c’est la vie!
Lph: Ressentez-vous aussi une certaine frustration ou colère lorsque vous constatez le prix que paient les habitants de Hevron et de la région?
R.A.: Aujourd’hui le terrorisme n’épargne personne. Il frappe chez nous mais il frappe aussi au cœur de Tel Aviv et même jusqu’en France. C’est le même fléau, il existe des liens évidents entre Daesh et le Hamas. Comment peut-on tuer une enfant de 13 ans et demi dans son sommeil?? C’est un jeune de 17 ans qui l’a assassinée… Leur jeunesse n’a-t-elle pas d’autres occupations que celle de tuer des enfants?
Alors oui, c’est vrai que l’on aimerait que notre réponse soit plus ferme face à ceux qui veulent notre disparition. A l’endroit où nous vivons, nous côtoyons beaucoup de Palestiniens. Il y en a qui veulent vivre en paix, ceux-là ne nous dérangent pas. En revanche, les autres… Qu’attend-on pour détruire leur maison? Pour les expulser? Pour arrêter de leur offrir de si bonnes conditions de détention lorsqu’ils sont dans nos prisons?
Une autre réaction qui est souvent citée est celle de construire en réponse aux attentats. Mais pourquoi doit-on attendre des morts pour construire? Pourquoi des programmes qui existent depuis près de 20 ans ne sont toujours pas mis en œuvre dans notre région?
Ces questions nous taraudent, c’est certain. Mais nous avons choisi de continuer, d’avancer, de faire notre part dans ce pays que nous chérissons, cette terre à laquelle nous sommes viscéralement attachés.
Lph: C’est cet attachement qui vous a décidés à perpétuer la mémoire d’Hallel en créant un centre de visiteurs près de chez vous?
R.A.: Nous avons une vigne et nous avons souhaité transformer cet endroit en centre pour visiteurs. Ce sera un lieu qui réunira tout le monde autour de l’histoire du vin, ce produit qui tient tous les sens en éveil. Cela permettra à un public large de venir ici, de profiter de la vue dans laquelle a passé son enfance, de se nourrir un peu de cette lumière qu’elle a laissée. Beaucoup de gens qui voulaient nous aider, ont trouvé dans ce projet un moyen utile et éternel de le faire.
Lph: Pour finir, nous commémorons aussi ces jours-ci les onze ans de l’évacuation du Goush Katif. Quels sont vos sentiments face à cet évènement?
R.A.: C’est un évènement très compliqué. Comment peut-on expulser des Juifs de chez eux alors que l’on n’expulse même pas les terroristes qui tuent nos enfants? Jusqu’à aujourd’hui nous n’avons pas de réponse à ces questions. Nous vivons cette menace quotidiennement avec Mitspé Avi’haï, ce lieu, près de chez nous que beaucoup ont décidé d’investir au lendemain de l’assassinat d’Hallel. Nous espérons que les leçons du Goush Katif ont été tirées. Le peuple juif est intelligent: quand il veut trouver des solutions, il sait être ingénieux. Cela doit être valable aussi dans ce domaine.
Pour aider la famille Ariel dans la création du centre de visiteurs:
https://www.headstart.co.il/projectsupporters.aspx?id=20174
Propos recueilis par Guitel Ben-Ishay