Celles dont certains parents préfèrent ne pas prononcer le nom sont à nos portes… Les grandes vacances! Le compte à rebours est lancé. Il est vrai que gérer son propre quotidien au travail, et celui de ses enfants en vacances n’est pas une sinécure.
Pas de panique, LPH a prévu un dossier spécial avec des conseils et même des idées pour que ces vacances vous paraissent plus faciles à envisager.
Pour commencer, nous nous sommes entretenus avec le Rav Yoni Lavi. Relativement peu connu au sein du monde francophone, il s’est fait un nom dans le monde de l’éducation et du conseil parental israélien.
Directeur de l’oulpena Yeshouroun à Petah Tikva, il est aussi l’un des fondateurs de ”Haverim Makshivim”, une ligne d’écoute pour les jeunes entre 12 et 20 ans qui répond à des milliers de questions chaque année. Le Rav Yoni Lavi apporte également ses services aux parents avec une autre ligne, Lev Avot, pour des conseils rabbiniques et psychologiques et un site, Mila Tova, sur lequel des parents et des professeurs prodiguent cours et conseils.
Le P’tit Hebdo: Le spécialiste que vous êtes estime-t-il que la jeunesse d’aujourd’hui est plus difficile à gérer et à occuper?
Rav Yoni Lavi: La jeunesse, plus précisément l’adolescence, est une période compliquée. Le jeune construit sa personnalité, son identité, il se demande quel genre d’homme ou de femme, il veut être. Cette mission est très compliquée parce que le monde dans lequel nous vivons nous tire dans différentes directions. Ce qui différencie les jeunes d’aujourd’hui, c’est leur exposition à de nombreuses choses par l’intermédiaire des medias, omniprésents et des écrans dans toutes les maisons. Ainsi, ils ont accès à des informations, des images par toujours adaptées et osent dire ou plutôt écrire des mots qu’ils n’auraient jamais osé prononcer en dehors de ce monde virtuel. Dans le même temps, les enfants deviennent plus insolents et les parents plus réticents à entrer en conflit avec eux. En ce sens, ils représentent pour les adultes un nouveau défi.
Lph: Le monde religieux est-il plus protégé?
Rav Y.L.: Non, en réalité, la jeunesse religieuse est tiraillée entre deux mondes: celui de l’école, de la maison, du Bné Akiva d’un côté et celui de l’ouverture sur des musiques, des cultures et des sites internet en décalage, de l’autre. Cela peut être la source de conflits. Prenons l’exemple de la relation entre filles et garçons: leurs parents, leurs éducateurs leur expliquent la valeur du mariage et l’importance de se réserver, le monde occidental lui montre que c’est possible ici et maintenant. A l’intérieur de la tête du jeune, se crée un débat qu’il ne faut pas sous-estimer.
Lph: Alors quelle est la solution, surtout quand on sait que les vacances sont propices à encore plus de temps passé sur les écrans?
Rav Y.L.: Tout d’abord, nous sommes conscients que ces évolutions technologiques sont une bénédiction: le monde avance et la lumière grandit. Mais chaque lumière crée de l’ombre. On doit penser au prix que l’on paie pour en profiter et trouver les moyens de l’utiliser sans nous nuire ainsi qu’à nos enfants.
Quand on pense que des enfants qui n’ont pas le droit de traverser la route tout seul parce qu’ils courent un risque à le faire, possède leur propre smartphone, on comprend que la mesure du danger n’a pas été prise!
Il ne s’agit pas de tout supprimer mais d’adapter les outils aussi en fonction de l’âge et de ce que l’on pense être les limites. Ainsi, il existe des moyens pour contrôler le temps que nos enfants passent sur leurs écrans. Des logiciels éteignent automatiquement l’ordinateur au bout d’une durée définie et pour le rallumer, il faut un mot de passe. Les filtres sont indispensables aussi bien sur les ordinateurs que sur les smartphones. Il est crucial de fixer des limites!
Lph: Ces recommandations font partie de beaucoup de conseils que l’on entend. Pourtant elles ne sont pas toujours faciles à mettre en œuvre… C’est parfois décourageant et culpabilisant pour les parents…
Rav Y.L.: Quand on lit le Tana’h et que l’on cherche des exemples de parents qui ont parfaitement réussi l’éducation de leurs enfants, on s’aperçoit que cette mission est loin d’être évidente.
Bien entendu, les paroles ne sont pas toujours faciles à mettre en application, il n’y a pas de baguette magique. Etre parent est un métier et comme tel, il s’apprend. Quand le travail n’est pas bien fait, c’est toute la cellule familiale qui trinque: l’enfant, le couple et son propre développement personnel. Il convient donc, en tant que parent, d’être dans une dynamique d’amélioration permanente. Il faut lire, écouter, étudier, suivre des formations. Même si tout n’est pas dans nos mains, il nous appartient de faire le maximum.
Lph: La présence des parents est importante pour le bon développement des enfants. Comment mener de front un emploi en dehors de la maison et les vacances des enfants?
Rav Y.L.: Beaucoup de parents angoissent lorsqu’ils pensent aux grandes vacances et on peut le comprendre. J’invite les parents à concevoir cette période comme une grande opportunité pour les enfants d’apprendre ce qu’ils ne peuvent pas apprendre pendant tout le reste de l’année. Cela est valable sur le plan personnel et sur le plan familial.
Il est vrai que les parents travaillent et qu’ils n’ont pas la possibilité d’être auprès de leurs enfants pendant les deux mois de vacances. Il faut donc se préparer pour, bien qu’étant absent physiquement, aider nos enfants à bien passer leurs vacances. Sans cela, au bout des deux mois, parents et enfants ressentiront une grande frustration, en se rendant compte que cette période a été gaspillée.
Ce que je conseille, c’est de prendre chaque enfant séparément, avant les vacances. On s’assoit avec lui et on établit la liste de tout ce qu’il voudrait faire pendant ces deux mois. On peut l’aider à remplir ce temps. C’est la clé. Ensuite, il s’agira d’ajustements, de changements et de rafraichissements par rapport à cette liste.
Lph: Faut-il tout prévoir jusqu’aux heures précises pour chaque activité?
Rav Y.L.: Il faut être pointilleux sur le sommeil. Ce n’est pas parce que l’enfant est en vacances qu’il peut inverser le jour et la nuit. C’est même totalement néfaste. On peut donner plus de souplesse sur les heures de coucher et de lever mais sans exagérer. En effet, la nuit est un monde sans adulte, les jeunes s’y laissent souvent aller. De plus, un enfant qui ne dort pas la nuit, se lève en début d’après-midi et toute la journée est perdue. A mon sens, un lever entre 9h et 9h30 est correct. Il est aussi important que l’enfant s’habille, fasse sa prière à une heure décente. En d’autres termes, les horaires sont fondamentaux.
Lph: Les vacances sont aussi l’occasion de passer du temps en famille. Les adolescents sont parfois réticents à sortir avec leurs parents, faut-il les forcer?
Rav Y.L.: Les vacances sont assez longues pour permettre aux enfants de partager leur temps entre les sorties avec leurs amis et celles avec leurs parents et famille. Il faut les inscrire dans les mouvements de jeunesse, les laisser profiter avec les jeunes de leur âge, même si cela suppose de leur faire le ”taxi”, ils voient ainsi qu’il y a une vie à l’extérieur! Vous en récolterez les bénéfices.
On peut aussi très bien envisager d’envoyer ses enfants chez leurs grands-parents et leurs cousins. Cette période est propice à nouer des relations fortes qui donneront des fruits à vie!
Pour ce qui est des sorties avec les parents, la règle est de ne jamais laisser personne derrière. L’enfant doit se sentir une partie inséparable de la famille. Même s’il donne l’impression de préférer rester seul, on ne doit pas rentrer dans son jeu. Les sorties familiales sont pour tous et ainsi le tissu se consolide. Au final, là aussi, les bienfaits de sa participation se feront ressentir.
Il est bon de prévoir une fois par semaine, une activité avec chacun de ses enfants, ne serait-ce qu’une demi-heure. On en profitera pour faire avec l’enfant, ce qu’il aime (pas regarder un film!), en fonction de son âge. Cela crée un lien unique et c’est le moment que l’enfant attendra avec le plus d’impatience tout au long de la semaine.
Lph: Pour finir, existe-t-il un lien entre des vacances réussies et une rentrée réussie?
Rav Y.L.: Sans aucun doute, si les vacances ont été anarchiques, alors la reprise sera très difficile. C’est la raison pour laquelle, il convient de bien remplir ses vacances. Quelques minutes de devoirs par jour, même en échange d’une récompense, ainsi qu’un retour à des horaires totalement normaux une semaine avant la fin des vacances, favoriseront aussi une rentrée plus sereine.
Et c’est là aussi que nous nous rendrons compte des fruits que les graines semées pendant ces deux mois, ont pu produire!
Propos recueillis par Guitel Ben-Ishay
Crédit photo: Avi Friedman