La période des festivités de Yom Yeroushalayim et de Shavouot était propice à une rencontre exclusive avec le Rishon Le Tsion, Grand Rabbin de Jérusalem, le Rav Shlomo Moshé Amar.
Il nous a fait l’honneur de nous recevoir pour parler avec nous de notre peuple et de la diffusion de la Torah à notre époque.
Le P’tit Hebdo: Comment va le peuple juif aujourd’hui?
Rav Shlomo Moshe Amar: Le peuple se renforce pas uniquement parce que nombreux sont ceux qui ont fait techouva mais parce que même ceux qui ne l’ont pas encore fait, sont en route. Je le vois quand je rencontre des gens dans la rue, des officiers de l’armée, des médecins. On n’a plus honte de dire que l’on est croyant. La foi se répand. Même sans kippa, de plus en plus de personnes que je croise regarde le Rav avec plus de respect et de considération et souvent on demande des bénédictions, ce que beaucoup avait du mal à assumer, il y a encore quelques années.
Lph: Est-ce que les Rabbanim séfarades, plus près du terrain, ont favorisé cette tendance?
Rav S.M.A.: Il est vrai qu’au Maroc, on n’entendait pas entre Juifs dire, ”celui-là est religieux, celui-là est laïc”, on disait: ”il est plus pointilleux”. Personne ne se sentait exclu. Il y avait très peu de réformistes, personne ne ressentait le besoin de constituer ce genre de communauté. A mon avis, ce sont les Juifs séfarades les plus simples qui ont permis d’enclencher ce phénomène. Ils sont parvenus à entrer dans tous les domaines de la vie civile et ont conservé leurs traditions et cette vision qui regarde chaque Juif à égalité, qui cherche à le comprendre. Quand ceux qui les entourent voient cela, ils réfléchissent. Comme le disait le Rambam, la Torah c’est la science de D’ieu. Ceux qui l’ont compris, place la foi au-dessus de toutes leurs connaissances et constituent ainsi un exemple, de plus en plus observé et suivi.
Lph: Quelle influence le regard des Nations a-t-il sur Israël?
Rav S.M.A.: Les chefs d’Etat et monarques pensent qu’ils dirigent le monde. Ils pensent qu’ils décident de tout. Mais la Torah dit que le cœur des dirigeants est dans les mains de D’ieu. C’est Lui qui leur dicte quoi faire. D’ieu a créé le monde pour qu’il tourne naturellement. C’est pourquoi nous avons l’impression que nous dirigeons le cours des choses. Mais, en réalité, l’influence des Nations sur Israël et leur rôle dans le déroulement des évènements sont décidés dans le Ciel.
Lph: Quelle relation entretenez-vous avec le judaïsme de France et les olim de France?
Rav S.M.A.: Je voyage en France dès que j’en ai l’occasion. Je visite alors une dizaine de synagogues. Je porte aux Juifs de France une affection particulière et c’est réciproque.
J’accorde aussi une importance primordiale à accueillir les olim de France. Ils sont chaleureux, aiment la terre d’Israël, la Torah. Nous devons leur parler, les bénir, les conseiller sur les aspects de la vie quotidienne sur lesquels il faut être vigilant, notamment concernant l’éducation de leurs enfants.
Je vais parler avec les jeunes français qui viennent en voyage d’études en Israël. Je leur parle de la vie en Israël, avec quelques mots en français, nous récitons le Chéma Israël, je les bénis. Ce sont des moments très émouvants. Je le faisais déjà quand j’étais Grand Rabbin d’Israël, y compris dans les écoles du pays où se trouvent des olim. Je suis né au sein du peuple, dans une famille simple. Je suis dans mon élément quand je suis sur le terrain avec le peuple et surtout avec ses enfants.
Lph: Nous vivons en terre d’Israël, la Torah se ressent à chaque coin de notre pays. Pourtant, il demeure toujours ce sentiment amer que nous ne savons pas nous comprendre, que nous cherchons des prétextes pour nous diviser. Pourquoi?
Rav S.M.A.: Je ne vois pas les choses ainsi. Les Juifs sont venus de tous les pays du monde, et de régions différentes de chacun de ces pays. Déjà au sein de nos pays d’origine, nous avions des points de divergence. Par exemple, un Juif de Mekness et un Juif de Casablanca présentent plus de différences qu’un Juif de Pologne et un Juif américain! Nous sommes venus de tellement d’endroits, avec nos coutumes, nos accents, notre mentalité. La situation devrait être catastrophique! Elle ne l’est pas. Si nous observons bien, avec cette mosaïque d’origines, notre pays est malgré tout uni. Nous pouvons être satisfaits et cela va même en s’améliorant sans cesse.
Lph: Au niveau de l’étude de la Torah et des décisions hala’hiques, faites-vous le même constat?
Rav S.M.A.: Lorsque je suis arrivé en Israël, du Maroc, j’ai étudié à Bné Brak. Mes maitres étaient ashkénazes. J’ai appris leur méthode d’étude mais je n’ai pas changé une tradition, une façon de prier, une coutume que j’avais apprises au Maroc. Aujourd’hui, D’ merci, je vois que cela a été utile. Même des Rabbanim ashkénazes reprennent mes positions hala’hiques sur certains sujets et les ponts entre ashkénazes et séfarades se créent et se consolident.
Cela rejoint ce que nous disions précédemment, notre peuple est uni, dans ses différences qui sont issues des mondes dans lesquels il a évolué. C’est lorsque nous sommes solides sur nos racines que nous pouvons grandir ensemble.
Propos recueillis par Avraham Azoulay
Photo à la une par Flash90