Depuis les années 70, nous assistons à un mouvement de plus en plus grand de personnes qui s’intéressent de près ou de loin au Judaïsme. Si avant cette période, le corps rabbinique devait trouver de nouveaux arguments pour défendre la Thora contre l’athéisme, il a plutôt pour tâche aujourd’hui de guider ceux qui ont eu un coup de foudre pour le Judaïsme. Mais dans leur enthousiasme, parfois “qui trop embrasse, mal étreint” et dans leurs tâtonnements, ces derniers voudraient brûler les étapes. Placez un verre sous un robinet et ouvrez-le au maximum et vous verrez que l’eau entrera dans le verre mais en sortira immédiatement. Placez un verre sous un robinet et ouvrez-le au goutte-à-goutte et vous verrez que le verre se remplira. Toute chose demande du temps, il faut s’y consacrer autant que nécessaire et ce serait sous-estimer la tâche que d’essayer d’aller trop vite. Souvenons-nous: toute métamorphose est lente, très lente.
Le Judaïsme n’est pas seulement une suite d’émotions éphémères qui ne sont que des feux de paille mais surtout et avant tout, une étude lente et laborieuse. Il ne s’agit pas non plus de s’identifier avec telle ou telle personnalité au risque de ne plus être soi-même et d’être en porte-à-faux avec parents ou amis. Non plus le désir de laver plus blanc que blanc en pratiquant un Judaïsme trop rigoureux sans avoir construit auparavant un édifice stable et équilibré. Le Judaïsme, en plus d’être une règle de vie, est un art et comme tout art, il doit être travaillé et retravaillé. Ce qu’est l’art? Ce sont des centaines d’heures d’exercices qu’un musicien a jouées avant de monter pour la première fois sur scène, ce sont toutes les toiles qu’un artiste-peintre a déchirées avant sa première exposition, ce sont les efforts intenses qu’un sportif a fournis des mois durant, avant de se présenter dans un concours olympique. L’art est dans la préparation et non dans la première représentation publique qui n’est en fait que la répétition du dernier exercice. Le Judaïsme est loin d’être limité à des on-dit ou à des “Il parait que …” dont l’origine et l’authenticité sont incertaines. Il est au contraire étude, effort et compréhension. Sans cela, il sera toujours de l’à-peu-près, contraire à l’esprit de la Thora qui lui, est précis et animé d’une logique interne que l’on découvre graduellement.
Le Talmud rapporte qu’un jeune garçon répondit à Rabbi Yehochoua ben ‘Hanania qui lui demandait quel était le chemin qui mène à la ville. Il lui répondit qu’il y en avait deux: le premier est long mais sans obstacle et de fait, court. Le second est un raccourci mais devient long parce que des vergers rendent son accès difficile (Talm. ‘Erouvin 53 b).
Alors que faire? Tout simplement commencer par un début. Rechercher un maître, ce qui relève quelque peu du Mazal, qui enseigne la Loi écrite et Orale et la façon de les appliquer. Il s’agit également de suivre son instinct car ce n’est pas toujours que l’on adhère à telle ou telle pensée, telle ou telle pratique, bien que le fond soit toujours le même.
Le Talmud cite l’exemple des disciples de Rabbi Eléazar ben Chamoua’ qui lui ont demandé de leur livrer le secret de sa longévité, ce à quoi il leur répondit qu’il n’avait jamais raccourci son chemin en passant par une synagogue, bien qu’il eut été tracé (Talm. Meguila 27b). En préférant un chemin plus long, D.ieu le récompensa d’une vieillesse honorable, selon le principe talmudique “Mesure pour mesure”, le fil conducteur de toute la Bible.
Shabbath Shalom,
Yaakov Lévi
Rav de la communauté A.T.R.I.D. (Arnona Hatse’ira, Jérusalem)