Il est le créateur du lobby francophone à la Knesset. Yoni Chetboun, fils d’olim de France, est bien décidé à poursuivre son action commencée en 2014 lorsqu’il était député.
Lorsque l’on parle d’un autre regard sur l’alya de France, on peut dire qu’il est celui qui a permis à la classe politique israélienne de prendre conscience de la nécessité de parler davantage aux olim de France, de considérer leurs difficultés. Il est aussi celui qui sait dire aux francophones qu’il ne faut pas tout attendre, qu’il est indispensable de s’organiser et de représenter une vraie force politique pour se faire entendre et obtenir gain de cause.
Entretien avec un jeune homme public que l’ampleur de la tâche n’effraie pas.
Le P’tit Hebdo: Quel est votre regard sur l’alya de France?
Yoni Chetboun: L’alya de France est la prochaine grande histoire d’alya de l’Etat d’Israël. Après l’Ethiopie et la Russie est venu le tour de la France. Nous ne pouvons plus l’ignorer. C’est pourquoi j’ai initié une prise de conscience au sein de la Knesset qu’il était indispensable de prendre des décisions stratégiques au niveau du gouvernement pour obtenir des résultats sur le terrain. Quand nous avons monté le lobby francophone, la situation était difficile: malgré les chiffres d’une alya massive de France, aucune stratégie n’était prévue à l’horizon. Par ailleurs, les olim de France doivent aussi prendre conscience qu’il est fondamental qu’ils s’organisent publiquement et politiquement.
Lph: On constate que les politiques parlent beaucoup aux olim de France en période électorale, leur promettant mille et une décisions. Mais dans les faits, c’est très laborieux. Pourquoi selon vous?
Y.C.: Cela rejoint ce que j’évoquais à l’instant: tant que le public francophone ne comprend pas qu’il doit constituer une force politique cela sera toujours compliqué. Les statistiques montrent, par exemple, que lors des élections municipales, les olim de France se déplacent très peu pour voter. Or, il faut bien comprendre que le niveau local est un très bon levier d’action, il est beaucoup plus simple d’agir, dans un premier temps, au niveau municipal. Si les politiques voient dans les Francophones, une force électorale, ils seront plus mobilisés pour leur fournir des résultats. On peut choisir de se plaindre toute la journée, on peut choisir de faire quelque chose pour que cela change. On peut faire quelque chose, les hommes politiques de bonne volonté seront heureux d’aider les francophones si ces derniers leur donnent le mandat pour le faire. Si le ministère de l’alya est plus tourné vers les populations russes aujourd’hui, c’est parce que les Russes ont su s’organiser dans les années 90 pour occuper ces postes-clés, et je me félicite d’ailleurs de ces réussites.
Lph: La clé serait donc uniquement dans les mains des olim eux-mêmes?
Y.C.: Ce n’est pas ce que je dis. Si j’ai créé le lobby francophone c’est pour aider les Français à parler d’une voix forte aux oreilles des décideurs politiques. Pour une simple raison: sans décisions stratégiques de leur part, rien n’est possible. Mais il faut comprendre qu’à la base doit se trouver une mobilisation efficace du public francophone. L’idée à la base de l’existence de l’Etat d’Israël est l’alya. Si les autorités publiques ne savent pas faire des gestes envers ces populations d’olim alors nous perdons notre essence. L’alya c’est le sionisme! On peut avoir des débats, même animés mais ne perdons pas de vue qu’Israël est la vraie maison du peuple juif.
Lph: Vous évoquez le niveau local. Vous avez déménagé récemment de Jérusalem à Netanya, ville où vous avez grandi. Quelle est la situation des olim sur place?
Y.C.: Netanya accueille une très forte population d’olim de France, ce n’est pas un scoop, environ 2000 chaque année. On y trouve toutes les nuances: célibataires, familles, retraités mais aussi des olim plus anciens qui sont parfois restés dans un monde très francophone et n’ont pas toujours réussi à s’intégrer dans la société israélienne. Des retraités, je n’attends pas qu’ils apprennent la langue et qu’ils s’intègrent comme des actifs. Pour eux, il est impératif que chaque service de la mairie possède au moins un interlocuteur francophone. C’est aussi important pour aider les olim dans leurs premiers pas ou ceux qui ont des difficultés importantes qu’ils sont plus à l’aise de résoudre dans leur langue maternelle. Aujourd’hui ce n’est pas le cas.
Par ailleurs, mes observations sur le terrain m’ont fait remarquer que le principal obstacle des familles d’olim c’est l’éducation. Elles se sentent bien souvent perdues dans un système éducatif très différent du système français. C’est pourquoi, je pense que nous devrions créer au sein des écoles israéliennes, des classes d’adaptation pour les olim. Cela permettrait aux parents et aux enfants d’intégrer en douceur ce nouveau monde.
Lph: Vous ne manquez pas d’idées pour aider les olim de France dont vous vous sentez proches du fait de votre histoire personnelle. Votre parcours d’homme public est déjà long, malgré votre âge. Selon nos informations, vous auriez été sollicité par des acteurs politiques de premier rang pour vous présenter au poste de maire de Netanya aux élections de l’automne 2018. Confirmez-vous ce qui se murmure?
Y.C.: Tout d’abord, je veux dire mon bonheur d’être revenu dans la ville de mon enfance avec ma famille. J’ai bien sûr l’intention de continuer dans mon rôle d’homme public et notamment auprès des olim de France. Pour le reste, je ne peux pas vous répondre pour le moment!
Propos recueillis par Guitel Ben-Ishay