Voici quelques jours, un accord d’assistance militaire d’un montant très élevé (38 milliards de dollars) a été conclu entre l’administration Obama et le gouvernement Netanyahu en Israël.
Les ennemis d’Israël y voient une fois de plus la preuve que les Etats Unis sont indéfectiblement du côté d’Israël. Les admirateurs d’Obama y décèlent la réfutation des discours disant qu’Obama est hostile à Israël, donc la réfutation d’analyses telles que les miennes. Les adversaires politiques de Binyamin Netanyahu présentent ce dernier comme un traître dangereux pour le futur d’Israël. Le Likoud défend Netanyahu et vante sa capacité à avoir obtenu un accord inespéré.
Examinant les détails de près, je pense utile de répondre sur ces divers points et de démêler le vrai du faux.
- Je dois dire que non, l’accord susdit n’est pas du tout la preuve que les Etats-Unis sont indéfectiblement du côté d’Israël. Les choses sont plus complexes. Le parti démocrate, sous l’impulsion d’Obama, a connu une dérive gauchiste qui en a fait un parti très anti-israélien (ce qui a été flagrant lors de la récente convention à Philadelphie).
Obama appartient aux factions les plus anti-israéliennes du parti et n’a en rien changé de position. Son objectif, avec l’accord, était de paraître aider Israël (aide très relative, car la somme de 38 milliards de dollars sur dix ans équivalait, divisée en tranches d’un an, l’aide actuelle, en dollars constants, sans le moindre supplément) tout en liant les mains du gouvernement israélien et en désamorçant les critiques de ce dernier sur des dossiers cruciaux au moment où l’élection d’Hillary Clinton est en jeu et où Obama lui-même doit prendre des décisions lourdes de conséquences.
Obama a atteint son objectif : il parait aider Israël, et le gouvernement israélien a les mains liées ; le gouvernement israélien s’est engagé dans le cadre de l’accord conclu à ne pas présenter la moindre demande ultérieure au Congrès et à une future administration américaine, et il s’est engagé aussi à respecter des conditions très strictes concernant l’utilisation qu’Israël fera de l’assistance militaire américaine, entre autres à ne pas utiliser celle-ci pour faire appel à des fournisseurs d’armes et de technologies israéliens.
L’accord semblant favorable à Israël, il sera aisé pour Hillary Clinton d’utiliser l’accord dans sa campagne, et, à l’opposé, très difficile au gouvernement israélien de critiquer ce que fera Obama dans les semaines qui lui restent. Or, la rumeur prête à Obama l’intention de ne pas opposer son droit de veto à la motion rédigée par la France et l’Autorité palestinienne qui doit être présentée au Conseil de Sécurité des Nations Unies dans quelques semaines, sans doute après le 8 novembre, et qui a pour but la reconnaissance d’un Etat palestinien, sans doute dans les “frontières de 1967”. - Je dois en ces conditions dire que oui, incontestablement, Obama reste très hostile à Israël. Il gère simplement son hostilité de manière subtile. Il est anti-israélien et appartient à un parti anti-israélien dans un pays dont la population reste majoritairement pro-israélienne, en devant s’assurer qu’Hillary Clinton soit, si possible, élue, et que les idiots utiles que sont les quatre vingt pour cent de Juifs américains qui votent démocrate imaginent qu’il n’est pas anti-israélien. il doit jouer sur les apparences : faire semblant de donner d’un côté, pour mieux reprendre de l’autre. C’est ce qu’il fait.
- Je dois ajouter que non, Binyamin Netanyahu n’est pas un traître et un danger pour le futur d’Israël, et les mots de certains en Israël sont absolument excessifs. Il a, cela dit, fait preuve d’une prudence extrême et s’est, pour une fois, laissé piéger par Obama. Il a, de surcroît, entériné en signant l’accord un autre fait pas assez évoqué : le fait qu’Obama n’est pas passé par le Congrès pour signer l’accord et a donc violé la séparation et l’équilibre des pouvoirs en vigueur aux Etats Unis.
Sans doute Binyamin Netanyahu a-t-il estimé que mieux valait passer l’accord dans les conditions proposées, en fermant les yeux sur le comportement d’Obama, que ne pas passer d’accord du tout, ou risquer que l’accord soit différé. Un passage par le Congrès, à majorité républicaine, aurait certainement conduit à un texte d’accord plus favorable à Israël. Obama aurait vraisemblablement refusé le texte. Un bras de fer aurait suivi. Binyamin Netanyahu a vraisemblablement eu peur de lâcher la proie pour l’ombre.
Si les adversaires politiques de Netanyahu en Israël lui avaient reproché une prudence extrême, leurs propos auraient été fondés. L’usage par eux de mots excessifs dénote chez eux des arrières-pensées très politiciennes et très électorales. Auraient-ils fait mieux que lui ? Ce n’est pas certain. Si on regarde la gauche israélienne, il paraît évident, au vu de son programme et de ses idées, qu’elle aurait fait pire. - J’ajouterai que le Likoud est dans son rôle en défendant Netanyahu, mais que non, l’accord obtenu n’est pas inespéré, et pas du tout mirifique.
Les moments essentiels désormais sont l’élection présidentielle du 8 novembre, et les semaines qui la suivront. Si Hillary Clinton l’emporte, elle poursuivra les politiques d’Obama, et la ligne anti-israélienne actuelle se poursuivra. Si Donald Trump est élu, une ligne bien davantage pro-israélienne se dessinera.
Si Hillary Clinton est élue et que les deux Chambres du Congres gardent une majorité républicaine, le Congrès pourra limiter les dégâts, sinon des décisions anti-israéliennes plus ou moins sournoises sont à attendre.
Si Donald Trump est élu, cela signifiera que les deux chambres du Congrès resteront à majorité républicaine, car le vote pour Donald Trump sera sans aucun doute accompagné par un vote en faveur des républicains, et les relations entre Israël et les Etats Unis pourront revenir au beau fixe.
Quel que soit le vainqueur le 8 novembre au soir, Barack Obama aura ensuite les mains libres au Conseil de sécurité des Nations Unies. Et Israël sera placé devant le fait accompli, quelle que soit la décision d’Obama.
© Guy Millière pour Dreuz.info.