« Est-ce que votre “Grande Europe” va jusqu’à Israël ? La question est précise. Est-ce que vous demandez aux Juifs français de renoncer à leur binationalité israélienne? ». En posant cette question lors d’une émission politique à Marine Le Pen, la journaliste française Léa Salamé, a jeté, volontairement ou non, un pavé dans la mare. Il s’agissait d’interroger Mme Le Pen sur une de ses mesures visant à interdire aux Français de posséder une deuxième nationalité émanant d’un pays ne faisant pas partie de l’Europe. Pourquoi la journaliste a-t-elle jugé utile de mettre l’accent sur les franco-israéliens et pourquoi surtout avoir apparemment assimilé tous les Juifs français à des Israéliens? Une plainte auprès du CSA a même été déposée par le site mondejuif.info pour cette ”maladresse”.
Meyer Habib, député des Français de l’étranger de la circonscription comprenant Israël, a lui aussi tenu à réagir à la question mais aussi à la réponse donnée par Marine Le Pen.
Le P’tit Hebdo: Qu’est-ce qui vous a choqué dans la question posée par Léa Salamé?
Meyer Habib: J’ai effectivement trouvé provocant qu’une journaliste, elle-même franco-libanaise, assimile dans sa question tous les Français juifs à des binationaux. Il y a de nombreux Français juifs qui sont très attachés à Israël, mais qui pour autant ne sont pas israéliens et ne comptent pas le devenir. Par contre, les Juifs de France sont, pour leur écrasante majorité, sionistes. Le sionisme fait partie intégrante du judaïsme. Depuis plus de 2 000 ans et la destruction du Second Temple, les Juifs du monde entier ont les yeux posés sur Jérusalem et Sion dans le cœur. Aujourd’hui, Israël est le contrat d’assurance-vie du peuple juif. Si l’Etat d’Israël avait existé au début du 20e siècle, il n’y aurait jamais eu la Shoah. C’est ma conviction absolue. J’ai également rappelé à Madame Le Pen que l’Europe et la France avaient une dette morale imprescriptible à l’égard du peuple juif.
Ceci étant, cette question est choquante car elle alimente des préjugés, ceux de la ”double allégeance” des Juifs de France, historiquement chère au Front National. Non seulement, la double nationalité ne concerne qu’une faible minorité mais en voulant piéger Marine Le Pen, Léa Salamé a, de facto, usé des mêmes procédés que Jean-Marie Le Pen. Souvenez-vous, en 1989, dans un épisode resté célèbre, le Président d’honneur du FN avait mis en cause la légitimité de Lionel Stoléru, grand serviteur de l’Etat de confession juive, au motif qu’il aurait soi-disant la double nationalité franco-israélienne (ce qui en l’occurrence était faux).
Lph: Que dire du fait que Marine Le Pen, elle-même, corrige la journaliste en disant: ”Ce n’est pas aux Juifs mais aux Israéliens que je demanderais de choisir”? Le Front National aurait-il évolué?
M.H.: L’antisémitisme fait hélas partie de l’ADN du Front National même si la majorité des électeurs de ce parti n’est ni raciste ni antisémite. Même si la fille Le Pen fait des efforts pour adoucir et changer l’image de son parti, il convient de rester très prudent. La stigmatisation des 150 000 Franco-israéliens que je représente à l’Assemblée nationale, renvoie inéluctablement aux dérapages antisémites de son père, Jean-Marie Le Pen, qui a fait l’éloge de l’occupation allemande et de la Gestapo, a parlé des chambres à gaz comme un « point de détail » et été condamné à plusieurs reprises par la justice. Hasard du calendrier, le jour-même de l’Emission politique, il était à nouveau mis en examen pour incitation à la haine raciale suite à ses propos ignobles en juin 2014 évoquant une “fournée” au sujet de Patrick Bruel… Le Front National surfe sur des vagues populistes et je me battrai de toutes mes forces contre cet extrême mais aussi, et surtout, contre une partie de la gauche et de l’extrême-gauche antisioniste de facto plus politiquement correct et au moins aussi, voire beaucoup plus, dangereuse.
Lph: Si, à D’ ne plaise, Marine Le Pen accédait au pouvoir. Quelles conséquences cette décision aurait-elle pour les 150 000 Franco-israéliens?
M.H.: Même si elle passe au second tour, j’ai la conviction que Marine Le Pen ne sera pas élue! Pour moi, répondre à votre question relève aujourd’hui de la science-fiction! La réforme que propose Madame Le Pen sur la nationalité est anticonstitutionnelle et pour modifier la constitution il faut disposer d’une majorité des 3/5e à l’Assemblée Nationale et au Sénat. Ce qui ne sera pas le cas. Au-delà, il est inconcevable voire immoral de demander aux binationaux de choisir entre leurs deux nationalités, c’est comme demander à quelqu’un de choisir entre son père et sa mère! Pour ma part, je me battrai bec et ongles pour qu’une telle loi ne passe jamais dans l’intérêt de tous les binationaux, pas seulement les Franco-israéliens.
Lph: Pourtant vous soutenez la déchéance de nationalité pour les djihadistes. Là aussi cela suppose un changement de la constitution. Pourquoi tenez-vous à cette réforme tant décriée en France?
M.H.: Oui, j’ai été un des premiers à le proposer à l’Assemblée nationale dès 2014. Avoir une nationalité ne se résume pas à un morceau de papier ou à une règlementation juridique et administrative. Avoir une nationalité, c’est témoigner au quotidien de son attachement et de ses devoirs envers son pays. Ceux qui vomissent sur la France, ceux qui tuent de sang-froid des Français, ceux qui vouent une haine viscérale à la France et prêtent allégeance à l’Etat islamique doivent être, évidemment, déchus de leur nationalité française! Quitte à les rendre apatrides! C’est pour ça que j’ai aussi proposé récemment de retirer les allocations familiales pour les mineurs djihadistes. Le gouvernement de gauche a rejeté ces propositions de bon sens. Il est temps de prendre exemple sur les méthodes israéliennes de lutte anti-terroriste. Les meilleures au monde.
Lph: La campagne présidentielle en France se déroule suivant un schéma totalement inédit. Quel est votre sentiment?
M.H.: Dans le monde entier, les campagnes électorales ne sont plus les mêmes qu’il y a quelques années. La raison en est simple: le monde des medias change et les réseaux sociaux créent une réalité différente. Par ailleurs, on note aussi partout, une baisse de la confiance des électeurs dans la politique. Pour moi qui suis issu de la société civile, c’est un sujet à prendre très au sérieux.
Lph: En France précisément, se dessine un combat entre les extrêmes, avec peut-être comme arbitre Emmanuel Macron, qui se définit ni de gauche ni de droite. Quel est votre regard sur ce tableau?
M.H. : Encore une fois, je renvoie dos à dos extrême-gauche et extrême-droite. L’extrême-gauche, hélas plus politiquement correct, est devenue de fait l’alliée de l’islamisme qui sème la terreur et la mort dans le monde, en particulier en France.
Emmanuel Macron n’est pas illégitime, il a le droit de se porter candidat mais c’est un candidat de gauche, de gauche masquée mais de gauche quand même. J’ai beaucoup de réserves dans la mesure où il a été l’un des principaux – si ce n’est le principal – artisans de la politique économique de François Hollande, qui a échoué. Je vois mal comment il peut se dédouaner de la responsabilité qui est la sienne dans l’échec de ce quinquennat. C’est un homme de talent, mais qui est jeune et qui manque incontestablement d’expérience. Il a affirmé il y a quelques semaines qu’on enseignait dans les écoles juives la Torah plus que les savoirs fondamentaux, ce qui est faux. Il déclare aujourd’hui que la colonisation est un crime contre l’humanité, ce qui est aussi une ineptie. Par ailleurs, du point de vue moral, sa candidature me pose un problème, puisqu’elle sonne comme une trahison envers François Hollande, à qui il doit absolument tout.
Pour ma part, député UDI, j’étais initialement favorable à une candidature de Jean-Louis Borloo, qui a renoncé. Nicolas Sarkozy éliminé au premier tour, j’ai apporté mon soutien au second tour à François Fillon, qui a gagné brillamment la primaire de la droite et du centre, à laquelle ont participé plus de quatre millions d’électeurs.
C’est un candidat de grand talent, qui a une stature d’homme d’Etat, qui a fait ses preuves à Matignon dans une période qui n’était pas évidente pour la France et qui plus est, est un ami d’Israël et du peuple juif.
Lph: Les ennuis judiciaires qui menacent sa candidature sont-ils préoccupants?
M.H.: Comme la majorité des Français, je suis troublé par ces récentes affaires et je l’ai dit à François Fillon. Ces pratiques sont d’un autre temps et je peux parfaitement comprendre, comme François Fillon d’ailleurs l’a reconnu, que beaucoup aient pu être choqués. Toutefois, François Fillon a donné sa vérité et, comme tout citoyen, il a droit à la présomption d’innocence, jusqu’à preuve du contraire. Ses ennuis sont donc plus médiatiques à ce stade que judiciaires… Dois-je rappeler que François Mitterrand, icône de la gauche, a logé sur les quais de Seine sa maîtresse et sa fille aux frais du contribuable pendant quatorze ans ? Les choses sont en train de changer, la preuve, et c’est une bonne chose. Je note à cet égard que François Fillon est le seul à avoir eu le courage de dire clairement qu’il se retirerait s’il était mis en examen. Cette saga judiciaire a pour effet de nuire à la campagne présidentielle puisqu’elle détourne l’attention des électeurs des questions les plus importantes et les plus cruciales pour leur avenir : sécurité, lutte contre le terrorisme, emploi, éducation, baisse des impôts…
Lph: Vous arrivez dans quelques mois au terme de votre premier mandat. Votre dynamisme et la qualité de votre travail sont reconnus, nous avons senti votre implication dans les questions qui nous touchent, en tant que Français de l’étranger. Pensez-vous, contrairement aux sentiments de beaucoup, que la politique est encore un bon vecteur d’action?
M.H.: Tout au long de mon mandat, je suis resté un homme libre, guidé par mes principes et mes convictions, parmi lesquels un attachement sans faille à la France mais aussi à Israël, qui partage nos valeurs. En prenant mes fonctions, il a d’abord fallu parer au plus pressé : je me suis immédiatement saisi du dossier des règles d’abattage rituel, shehita, et de la circoncision, brit mila. Il fallait agir vite. Trois ans après, je crois que nous avons réussi : aujourd’hui, ces sujets ne font plus débat. Autre priorité : la défense des intérêts de nos compatriotes de la 8ème circonscription. J’ai réussi à obtenir des résultats sur les retraites avec la dématérialisation des certificats de vie qui facilitera considérablement la vie de nos seniors. Hélas, sur les prélèvements, le gouvernement s’est livré à un véritable matraquage fiscal du pays, qu’il laisse à genoux. Sur les diplômes français en Israël, j’ai réussi à faire reconnaître le principe d’équivalence même s’il reste encore des progrès à faire et que la loi n’est pas encore totalement appliquée. Le 6 février j’ai écrit au Premier ministre Netanyahu une lettre sur ces sujet que je rendrai publique dans les jours à venir et dans laquelle je lui demande d’intervenir encore une fois directement à la fois sur les diplômes et sur la conversion des permis de conduire français en Israël. Sans pouvoir vous donner pour l’instant tous les détails, des progrès concrets sont attendus dans les semaines à venir.
S’agissant de la défense d’Israël, je constate que mon action déterminée a porté des fruits. Ma démarche est simple : fidèle à la France, fidèle à mes principes, fidèles à mes valeurs juives et celles de la Torah que je crois universelles, je ne laisse rien passer qui soit contraire à la vérité ou à la morale! Et les résultats sont au rendez-vous ! Fin 2014, j’ai travaillé nuit et jour contre la résolution parlementaire appelant à la reconnaissance d’un Etat de Palestine. Au final, même si la résolution est passée, 150 députés de droite (1 de gauche…) ont voté contre, ce qui était inespéré… Je suis fier de m’être battu contre le boycott d’Israël, pour Jérusalem, capitale éternelle et indivisible d’Israël et du peuple juif, contre les résolutions de l’UNESCO. Je suis fier d’avoir cité le Prophète Isaïe dans l’Hémicycle de l’Assemblée nationale, d’avoir clamé que pour Jérusalem je ne me tairai point, d’avoir évoqué Jonathan Pollard pour la première fois à l’Assemblée nationale, d’avoir dénoncé la menace nucléaire iranienne.
Enfin, sur mon initiative, la commission d’enquête parlementaire sur les attentats terroristes, dont j’étais vice-président, a programmé une visite en Israël avec des entretiens de très haut niveau pour découvrir les méthodes israéliennes de lutte anti-terroriste. Aujourd’hui, ces méthodes font référence en France et la coopération sécuritaire entre les deux pays se renforce, notamment dans le domaine du renseignement. A terme, le rapprochement sécuritaire mènera, je l’espère, à une évolution politique en France favorable à Israël.
Lph: Au début de votre mandat, vous nous avouiez vous sentir seul dans vos combats. Est-ce toujours le cas?
M.H.: Incontestablement, je suis moins seul aujourd’hui. J’ai accompagné et parfois initié la venue de dizaines de parlementaires en Israël, parmi lesquels Valérie Pécresse, Nathalie Kosciusko-Morizet, Bruno Le Maire, Christian Estrosi, Eric Ciotti ou Gérard Larcher. Il est essentiel que les décideurs découvrent Israël dans toute sa vérité : une démocratie, qui tout en étant un Etat très puissant sur le plan militaire, partage nos valeurs humanistes, protège ses Chrétiens et est en première ligne contre le djihadisme. J’ai une bonne nouvelle pour vous : Israël compte de plus en plus d’amis fidèles à l’Assemblée nationale. Beaucoup de collègues, députés ou sénateurs, viennent me voir pour me dire que leur vision a changé sur Israël et sur la résolution du conflit. Le monde libre a aujourd’hui un ennemi, c’est le djihadisme.
Très concrètement, les choses changent sur le terrain ! J’ai pu ainsi amener la Présidente du Conseil régional d’Ile-de-France, une amie proche, Valérie Pécresse, à retirer toute subvention aux associations soutenant le BDS. Récemment, Nathalie Kosciusko-Morizet, leader du groupe Les Républicains au Conseil de Paris a demandé d’interdire les manifestations appelant au boycott d’Israël.
Ce combat n’est pas facile mais il est juste et je suis déterminé. Je dois quotidiennement faire face à des préjugés anti-israéliens et des menaces. Mais je puise chaque jour des forces dans mes racines familiales, ma foi inébranlable en D-ieu, ma conviction encore une fois qu’Israël et la France partagent les mêmes valeurs et dans le soutien que me témoignent de nombreux compatriotes, en France, en Israël ou ailleurs.
Lph: M. Habib, serez-vous candidat à votre succession au mois de juin prochain?
M.H.: J’ai obtenu l’investiture unique de la droite et du centre, ce qui est pour moi une très bonne nouvelle et une reconnaissance de mon travail de la part de ma famille politique. Pour l’heure, je ne suis pas encore candidat. Ça ne saurait tarder. La campagne va démarrer d’ici quelques semaines.
Pour finir, je suis optimiste et je garde espoir en l’avenir. La construction à Jérusalem et dans les implantations juives reprend. Le contexte international est en train de changer. Contrairement à beaucoup, je suis très heureux de l’élection de Donald Trump, qui a réaffirmé, lors de la récente visite de Benyamin Netanyahu aux Etats-Unis, son attachement à Israël et au peuple juif ! J’ai la conviction qu’avec le nouveau président américain s’ouvre une nouvelle ère et s’esquissent de nouvelles solutions pour arriver à une paix réelle et non factice, éradiquer le terrorisme en France, au Moyen-Orient et dans le monde, reconnaître l’Etat d’Israël comme Etat juif avec Jérusalem comme capitale, neutraliser la menace nucléaire iranienne…
Rien n’est jamais parfait. Il faut rester humble et déterminé. Et surtout garder toujours espoir. Beaucoup de choses restent à faire mais le soutien populaire et les encouragements que je reçois quotidiennement décuplent mes forces. Je profite donc de ces quelques lignes dans Le P’tit Hebdo pour exprimer ma gratitude à tous mes soutiens. Leurs messages me vont droit au cœur.
Beézrat Hachem, ensemble nous continuerons, ensemble nous réussirons.
Propos recueillis par Guitel Ben-Ishay
Si, Monsieur ‘Habib ! La colonisation est un crime contre l’humanité !
Nous le savons mieux que personne car notre terre a été colonisée par de nombreuses civilisations. Il suffit de se pencher sur ce qu’implique la colonisation pour savoir, sans l’ombre d’un doute, que c’est, effectivement, un crime contre l’humanité ! Renseignez-vous aussi sur ce qu’ont enduré les Indiens d’Amérique, les Maoris, les Aborigènes, les Berbères, les résidents des Dom Tom, les Corses, etc… !