Zvika Klein est un jeune journaliste israélien qui, en quelques années, s’est fait un nom dans le monde médiatique à travers ses reportages sur le monde religieux notamment mais surtout sur les communautés juives de diaspora.
Afin d’analyser l’évolution des medias en Israël, LPH s’est entretenu avec ce journaliste qui porte la kippa et écrit dans des medias non religieux.
Le P’tit Hebdo: Comment avez-vous débuté votre carrière de journaliste?
Zvika Klein: J’ai commencé à m’approcher du monde des medias lorsque j’étais porte-parole de Tsahal pendant mon service militaire. J’ai alors travaillé face à la presse religieuse et haredite.
Apres l’armée, j’ai reçu une proposition de Makor Rishon, c’est ainsi que j’ai commencé ma carrière. Il y a 6 ans j’ai rejoint le groupe NRG (Maariv) qui s’est allié avec Makor Rishon. Je travaille pour ces deux medias où je suis jusqu’à aujourd’hui correspondant en particulier auprès des communautés juives de par le monde.
Lph: Pour un journaliste religieux, est-ce compliqué de travailler dans une rédaction qui elle, ne l’est pas?
Z.K.: Au début, il est vrai que je ressentais certaines difficultés. On ne comprenait pas, par exemple, que je ne puisse pas interviewer un Rav d’une communauté de l’étranger, lendemain de fête ici et deuxième jour de Yom tov en dehors d’Israël! Il m’est aussi arrivé de devoir me justifier par rapport à certains impératifs liés à la pratique des mitsvot. Bien souvent, les gens qui m’entouraient ne savaient même pas de quoi il s’agissait…
Aujourd’hui, je reconnais que c’est beaucoup plus facile du fait que de plus en plus de personnes religieuses travaillent dans les medias d’une part et que l’on bénéficie de plus d’ouverture.
Lph: Votre travail exige-t-il parfois d’aller à l’encontre de vos convictions politiques ou religieuses?
Z.K.: Je dirais plutôt que je dois savoir m’adapter pour écrire. Il est préférable parfois d’aborder tel ou tel sujet sous un angle qui sera plus lisible pour la majorité de nos lecteurs. Souvent aussi, il me faut expliquer les notions religieuses auxquelles je fais référence. En effet, notre lectorat n’étant pas religieux, il faut partir du principe que beaucoup de concepts lui sont étrangers.
Il est vrai aussi que je dois bien réfléchir aux sujets de mes articles pour qu’ils intéressent le plus grand nombre, du fait que les lecteurs n’appartiennent pas à une catégorie précise de la population mais sont variés.
Lph: Est-ce que pour vous, le fait que l’organe de presse dans lequel vous travaillez soit différent de ce que vous êtes, est frustrant?
Z.K.: Non au contraire. Mon travail me met au défi. Un journaliste qui travaille dans sa zone de confort ne se dépasse jamais. Dans mon cas, toutes les réflexions auxquelles me poussent le mélange entre ce que je suis et ce que j’écris ou les sujets que je traite, sont pour moi une source d’épanouissement et de challenges professionnels. Je ne souffre d’aucune censure.
Au contraire. Mes amis qui travaillent dans la presse haredite, par exemple, me racontent qu’ils sont très limités dans leurs options de travail. Ils sont tellement encadrés au niveau des sujets, de ce qu’ils ont droit de publier ou non, qu’ils se retrouvent à faire un travail journalistique tronqué. Pour ma part, je peux écrire sur tout, parler de tout et même critiquer.
Lph: L’idée que la presse israélienne est de gauche a la dent dure. Le constatez-vous de l’intérieur?
Z.K.: Ce constat a été vrai pendant de nombreuses années. Aujourd’hui, il s’estompe. De plus en plus de journalistes sont religieux, de droite. Il y a tous ceux que l’on voit et tous ceux qui ne sont pas exposés mais qui œuvrent aussi au sein de medias. L’équilibre est en train de s’installer. Il sera réellement palpable lorsque ces personnes de droite et religieuse occuperont aussi, au même titre que les autres, des postes de direction. Mais on peut, clairement maintenant, écouter des voix nouvelles, de vrais débats d’idées et des analyses plus équilibrées. Les journalistes doivent être représentatifs du peuple. C’est le changement auquel nous assistons.
Lph: On reproche souvent à la presse, en Israël et ailleurs, de faire la pluie et le beau temps à l’intérieur du pays. Pensez-vous qu’ici les medias ont un réel pouvoir d’influence?
T.K.: Je pense que depuis l’avènement des réseaux sociaux et la place qu’ils ont pris dans le quotidien de tout le monde, les medias à proprement parler ont beaucoup moins d’influence. Ils sont plutôt devenus des lanceurs d’alerte ou de débats. Le reste leur échappe et se déroule sur la toile.
J’ai pu observer cette évolution à mon niveau. Aujourd’hui mon travail se fait beaucoup à travers des articles en ligne. Cela modifie considérablement les règles. Les journalistes qui doivent publier sur le net, vivent à un rythme beaucoup plus rapide, tout doit aller vite, on ne peut pas s’étendre dans des articles en longueur, sinon ils ne sont pas lus. En fait ce qui compte surtout c’est le titre qui doit être vraiment accrocheur pour donner envie de cliquer.
La presse écrite doit en grande partie sa survie à sa version digitale. Et encore, peu sont ceux qui vont lire directement les articles sur les sites d’information. Si les actualités sont suivies c’est parce qu’elles sont partagées sur les réseaux sociaux. On ne clique que rarement sur un article sans passer par FaceBook ou Twitter…
Donc pour répondre à votre question, ce sont de nos jours, davantage les réseaux sociaux que les medias traditionnels qui influent sur notre monde et notre société.
Apres tout, je trouve cette évolution logique. Je ne suis pas de ceux qui pensent qu’un journaliste doit donner son opinion, on s’éloigne du cœur de notre métier dans ce cas.
Lph: Quel est le mot qui résume le mieux le monde médiatique israélien pour vous?
Z.K.: La pression! Nous vivons dans un pays qui bouge sans cesse: un nouveau scandale chaque jour, un nouveau rebondissement en quelques heures. Tout est sujet à des réactions parfois impressionnantes dans leurs proportions et tout est pris personnellement. A cela s’ajoute notre actualité régionale… Donc, être journaliste en Israël, c’est être sous pression!
Propos recueillis par Guitel Ben-Ishay