C’est la première question qui est venu à l’esprit, lorsque le chef de la diplomatie française a annoncé, vendredi 29 janvier que la France allait « relancer rapidement son projet de Conférence internationale pour faire aboutir la solution de Deux États ». Pourquoi alors que Mr Fabius s’apprête à quitter le Quai d’Orsay pour la présidence du Conseil constitutionnel, s’est-il empressé de menacer Israël en déclarant qu’en cas d’échec de cette Conférence, « la France prendra ses responsabilités en reconnaissant l’État palestinien » ? Cette déclaration surgie de nulle part a pris de court les observateurs les plus aguerris. Daniel Haïk tente de l’analyser.
Premier élément de réponse aux questionnements suscités par les propos de Laurent Fabius : ils interviennent précisément une semaine après que le leader de l’opposition israélienne et président du parti travailliste (Camp sioniste) Its’hak Herzog a pris le temps d’expliquer à François Hollande, lors de son passage à l’Élysée, que le principe de « Deux États pour deux peuples », pourtant si cher à la gauche israélienne, n’était plus réaliste. Il n’est pas impossible que le président français, effrayé par une telle résignation ait décidé de tenter une ultime démarche en vue de préserver cette sacro-sainte option de « Deux États pour deux peuples » en demandant à un Laurent Fabius diminué et sur le départ de « sonner l’alarme » avant qu’il ne soit vraiment trop tard. Il n’est pas impossible par ailleurs, mais cela paraîtrait tout de même plus surprenant et plus conspirationniste qu’Its’hak Herzog ait délibérément voulu alerter les Français en se démarquant de l’option de « Deux États », les poussant eux-mêmes à relancer leur idée de Conférence internationale.
Seconde explication possible : La France aurait décidé quoi qu’il advienne de reconnaître un État palestinien indépendant, peut être pour rassurer son électorat musulman inquiet depuis l’instauration de l’état d’urgence consécutif aux attentats du 13 novembre. Et de facto, sa démarche d’organiser une conférence internationale ne serait qu’un subterfuge lui permettant d’atteindre cet objectif en rejetant sur Israël la responsabilité d’un échec d’une telle conférence. Même si Laurent Fabius a souvent prouvé, dans le passé, qu’il avait du mal à comprendre la complexité du conflit israélo-palestinien, il sait parfaitement comment se prépare une conférence internationale. Il sait donc que si l’on veut que cette conférence soit couronnée de succès , elle se doit d’être précédée de tractations étroites, et souvent secrètes, avec les deux parties israéliennes et palestiniennes. Ce qui n’a pas été le cas, cette fois ci. Cela ne laisse rien présager de bon pour Israël car si la France devait finalement reconnaître un État palestinien, cela conduirait d’autres nations européennes à en faire de même et ouvrirait la porte à une reconnaissance de cet État par le conseil de Sécurité de l’ONU. Il y a là un risque d’effet de domino très dangereux pour Israël, où la démarche de Laurent Fabius a été très mal accueillie. Dans un pays qui fait face à une vague d’attentats terroristes au quotidien, vague qui a coûté la vie à plus de 30 Israéliens et qui en a blessé des centaines autres, cet appel du patron du Quai d’Orsay est perçu comme un « couteau diplomatique » planté dans le dos de l’État hébreu. Côté israélien, Binyamin Nétanyaou a réagi en Conseil des ministres en affirmant que les propos de Fabius allaient pousser les Palestiniens à se retrancher dans leur politique de refus de négocier en esperant que cela conduira la France a reconnaître un État de Palestine : « Ce n’est pas comme cela que l’on parviendra à instaurer la paix dans la région », a dit le Premier ministre qui a prôné , comme d’ailleurs l’a fait le président Rivlin, un dialogue direct avec les Palestiniens et qui a tout de même émis l’espoir de parvenir à convaincre les Français de revenir sur leur initiative. Par contre, côté palestinien, on s’est félicité, et c’est bien normal, de cet appel de Laurent Fabius. Reste maintenant à savoir si la France ira jusqu’au bout de sa démarche ? On peut le craindre si, comme cela se murmure dans les arcanes du pouvoir à Paris, c’est Elisabeth Guigou, connue pour sa sympathie pour la cause palestinienne, qui devrait remplacer Fabius à la tête de la diplomatie française dans les prochaines semaines….
Daniel Haïk pour Hamodia