Les medias francophones en Israël (papier, internet, tv, radio…). Qu’aimez-vous chez eux ? Et… que leur reprochez-vous ?
Journaliste
La multiplication des publications francophones ces dernières années témoigne de la surprenante vitalité de l’alya française. Et leur diversité reflète une communauté plurielle, aux modes de vie parfois aux antipodes. Chacun à sa manière, ces médias tentent de présenter une image positive du pays et luttent contre une certaine pensée dominante hostile à Israël. Le corollaire est inévitable : des articles souvent consensuels et une difficulté à aborder des sujets sensibles ou clivant. LPH en a récemment fait les frais en publiant un dossier pourtant fort intéressant sur les personnalités contestées de la communauté francophone.
Tsvika Klein
Journaliste à Makor Rishon
N’étant pas moi-même francophone, je ne peux donner qu’un regard extérieur. Les anglophones, les hispanophones aussi ont des journaux, sans parler des Russes. Effectivement, on assiste à l’apparition et au développement de plus en plus de supports médiatiques francophones, liés certainement au nombre croissant d’olim francophones. De plus, ce sont des gens traditionnalistes, qui aiment maintenir un contact dans leur langue avec leurs Rabbins et leurs paroles de Torah. Je pense que le phénomène est appelé à croitre avec l’augmentation de l’alya puis à décroitre lorsque cette alya sera moins importante et que la majorité des francophones en Israël seront l’ancienne génération. Un reproche peut-être : les medias francophones ne sont pas suffisamment exploités par la communauté francophone pour faire comprendre aux Israéliens qui elle est réellement et défendre ses intérêts sur la scène israélienne.
Correspondante de Radio J en Israël et auteure du Blog endirectdejerusalem.com
L’explosion médiatique francophone en Israël depuis ces dernières années est remarquable. Cela est certainement lié à l’augmentation importante de l’alya de France mais pas seulement. En effet, dans les années 1970 aussi cette alya a connu un bond et pourtant nous n’avons pas assisté à cette effervescence médiatique. Aujourd’hui il semble que la société israélienne soit plus ouverte et disposée à accepter que les olim évoluent aussi dans leur langue maternelle. C’est une très bonne chose : le peuple juif n’a jamais été monolithique et la variété des medias exprime cette revendication de pluralisme. Tout ce qui existe dans ce paysage médiatique francophone est bien parce qu’il répond à un besoin. Néanmoins, la presse francophone n’échappe pas aux écueils qui caractérisent les medias dans leur ensemble et surtout sur le plan de la qualité. Il y a de la place en Israël pour une presse francophone de haut niveau et l’arrivée parmi les olim de jeunes sortant des écoles de journalisme et de communication ne pourra qu’y contribuer.
Consultant en marketing
Les francophones israéliens, malgré les mauvais souvenirs de certains pour la France (antisémitisme « croissant »…) restent attachés à sa culture ; nombre d’entre eux s’intéressent à l’actualité française, même s’ils se sentent totalement impliqués dans la vie israélienne. Aujourd’hui la mondialisation de l’information, « boostée » par les techniques médiatiques actuelles fournit instantanément des infos sur tout ce qui se passe dans le monde, même pour un simple fait-divers ! Recevoir en Israël des informations en français permet donc de savoir ce qui se passe ici comme en France (ou partout ailleurs).
Les médias francophones, très nombreux en Israël, affichent toutes les orientations imaginables, satisfaisant les multiples goûts et centres d’intérêt, en analysant le fonctionnement de la vie locale et répondant aux interrogations sur la situation en France. Je n’ai donc aucun reproche particulier à leur faire, car leur grande variété permet à chacun de choisir ses médias préférés. Leur liste serait très longue, j’ai cependant une attirance particulière pour L.P.H. dont la présentation agréable et le contenu très ouvert, de haut niveau me satisfont grandement (je le dis en totale sincérité, sans aucun esprit de « fayotage », car je connais personnellement la plupart de ses intervenants et j’en apprécie la ligne éditoriale). Je ne peux même plus reprocher au L.P.H. d’être un « Hebdo », malgré son titre, car il a eu l’excellente idée de diffuser une newsletter quotidienne (je la reçois tous les matins avant 6 h) ! Alors, pour tous ces médias francophones en Israël, poussons ce cri de soutien sincère : « COCORICO… ET AM ISRAËL HAY » !
President d’Aloumim. Intervenant à Yad Vashem
Les médias francophones en Israël servent notamment de plate-forme publicitaire et de centre de petites annonces immobilières. Ce qui fait avancer l’intégration des publieurs et de ceux qui les lisent. Plus rares sont des articles transcendants transmettant une idée philosophique extraordinaire, et la disparition de Benno Gross nous éloigne de toute approche levinassienne… et ça me manque, cet apport francophone à la culture hébraïque.
Peintre. Ecrivain
Les médias ont-ils pour seule vocation d’être des caisses de résonance du monde et de son actualité, de répondre à des nécessités : informer, donner à penser, divertir, déranger ? Si la réponse est positive, alors les tabloïds, les radios, les « sites », laissent un arrière-goût d’insatisfaction. L’information circule à flots continus sur la toile. Elle crée des addictions, suscite des vocations d’essayistes, de polémistes, de pamphlétaires. Mais des carences persistent. Les médias devraient laisser une place plus grande à la réflexion, à l’humeur, au lyrisme, s’ouvrir d’avantage, agrandir leurs horizons et utiliser tous les talents. La presse ne peut être déférente et doit rester libre. Elle doit prendre son temps. Une presse de qualité se mérite, et tous les efforts consentis par les organes de diffusion (gratuits et payants) ne peuvent exonérer le lecteur de ses engagements. Pour évoluer dans notre proximité, les médias francophones en Israël doivent pouvoir investir, financer, et s’appuyer sur les trois piliers indispensables : la publicité, les abonnements et la vente au numéro, quel que soit le support.