La semaine dernière, l’État islamique a réussi, pour la première fois, à semer la terreur au cœur des bastions alaouites de Syrie. Suite à une série d’attentats suicides, plus de 150 personnes ont trouvé la mort dans les villes côtières de Tartous et Jablé. Le choix des cibles visées témoigne de la cruauté préméditée de ces attentats : un des terroristes s’est fait explosé dans la salle d’urgences d’un hôpital, et un autre dans une gare centrale d’autobus. L’État islamique a justifié ces horreurs en ces termes : « qu’ils [les Alaouites] goûtent ce qu’ont goûté les Musulmans jusqu’à présent, lors des bombardements, tant des Russes que d’Assad, sur les villes musulmanes ». De fait, les avions de combat russes et syriens ont bombardé une quinzaine d’établissements médicaux. En février dernier, ils ont même été jusqu’à bombarder un hôpital soutenu par « Médecins sans frontières », en espaçant de quinze minutes les bombes successives, touchant ainsi aussi les services de secours. Ces attaques atroces, de part et d’autre, privent environ la moitié de la population syrienne d’accès à tout soin médical.
Au-delà des intérêts géopolitiques de la Russie et de la coalition occidentale, le cœur de la guerre réside dans la lutte à mort entre, d’une part la minorité alaouite (10% environ de la population syrienne) et leur parrain iranien chiite, et d’autre part la majorité sunnite (environ 80% de la population syrienne). Dans l’histoire de l’Islam, les Alaouites sont considérés comme des hérétiques, des idolâtres, des délateurs et des collaborateurs avec l’ennemi. De plus, l’État islamique considère qu’il mène une guerre contre les mécréants chiites, la Chia étant pour eux une hérésie. La dimension juive y revêt une grande importance, comme le montre une analyse que l’État islamique a publiée en janvier dernier. Pour eux, comme d’ailleurs pour de nombreux savants sunnites de l’islam, la Chia serait l’invention d’un rabbin juif converti à l’Islam, Abdullah ibn Saba, qui aurait vécu du temps du fondateur de l’Islam, Muhammad. Ils sont convaincus qu’ibn Saba aurait aussi été le responsable de l’assassinat d’Uthman, le troisième calife de l’Islam. Cet ibn Saba aurait fondé la Chia en vue de semer la zizanie entre les Musulmans, et dans le but d’anéantir l’islam. En conséquence, l’éradication du pouvoir alaouite et des Alaouites eux-mêmes représente un devoir religieux de première importance. Dans un deuxième temps, viendra le tour des chiites hérétiques, puis celui des « vrais responsables » de tous les maux, à savoir les Juifs maudits, dont Allah a fait « des singes et des cochons » (Coran 5 :60).
L’État islamique a réussi, jusqu’à présent, à résister aux bombardements des plus grandes puissances de la planète, et a même réussi à perpétrer des attentats meurtriers, non seulement en Syrie, au cœur des bastions alaouites, mais aussi en Irak, au Sinaï, en Afrique, en France, en Belgique, aux États-Unis, et dans bien d’autres pays. Il vise à imposer par la force l’Islam à l’humanité entière. Il voit dans les Juifs la source de tous les maux dont souffre le monde, et les ennemis de l’Islam depuis sa naissance, et transmet ce message à tous les enfants étudiant dans les écoles des régions qu’il dirige.
L’État islamique est aujourd’hui occupé principalement à assurer sa survie face aux attaques aériennes des « Croisés ». Mais les Juifs restent, à long terme, une cible centrale. Les attaques contre des cibles juives en Europe, comme l’Hyper Cacher à Paris, ou le musée juif de Bruxelles, en sont la preuve tangible.
Ephraïm Herrera est docteur en histoire des religions, diplômé de la Sorbonne et vient de publier « Les maîtres soufis et les peuples du livre » aux Éditions de Paris, ainsi que « Le Jihad, de la théorie aux actes » et « Étincelles de Manitou » aux éditions Elkana.