Par le Dr Ephraïm Herrera
La Russie et les États-Unis revendiquent, chacun de leur côté, d’avoir réussi à éliminer la semaine dernière Abou Mouhammad al-Adnani, le porte-parole de l’État islamique. Agé de 39 ans seulement, Al-Adnani est celui qui a su persuader de jeunes Musulmans d’Europe de l’ouest de perpétrer des attentats meurtriers contre les citoyens de leurs pays. La preuve la plus flagrante en est le témoignage de Larossi Abballa, le terroriste musulman français qui avait sauvagement assassiné à coups de couteaux un couple de policiers en juin dernier, dans les Yvelines.
Après ce double meurtre, et avant qu’il ne soit abattu par les forces de l’ordre, Abbala avait enregistré et publié sur Facebook une vidéo dans laquelle il avait déclaré avoir répondu à l’appel du cheikh al-Adnani à supprimer des Infidèles.
En voici des extraits : « Si vous pouvez tuer un incroyant américain ou européen – en particulier les méchants et sales Français…, alors comptez sur Allah et tuez-le de n’importe quelle manière. Tuez le mécréant qu’il soit civil ou militaire, frappez sa tête avec une pierre, égorgez-le avec un couteau, écrasez-le avec votre voiture, jetez-le d’un lieu en hauteur, étranglez-le ou empoisonnez-le ».
Al-Adnani n’était pas seulement le porte-parole de l’État islamique et un orateur charismatique appelant au meurtre des Croisés et des Juifs. Il était aussi en charge de l’exécution d’attentats terroristes hors des frontières de l’État islamique. De nombreux spécialiste sont même convaincus qu’il a dirigé et coordonné les attentats meurtriers à Paris, en novembre 2015, attentats qui avaient fait 130 morts et plus de 400 blessés. La mort à la guerre au nom d’Allah est considérée comme un grand mérite, et dorénavant, al-Adnani portera le titre du chahid (martyr) al-Adnani.
Le djihadiste est mort, vive le djihadiste
L’élimination d’al-Adnani témoigne de la forte probabilité de l’infiltration dont est victime l’État islamique, car sans renseignements précis, y compris en temps réel, il est impossible d’éliminer une personnalité d’aussi haut rang. Le problème, c’est que comme l’a indiqué un spécialiste de Daesh, le remplacement des élites est inscrit dans l’ADN des organisations terroristes islamiques.
Ainsi, l’élimination successive de dirigeants du groupe islamique philippin Abou Sayyaf n’a pas réussi à mettre un terme à la guerre que mènent les djihadistes aux Philippines : pas plus tard que la semaine dernière, des membres de ce groupe, affilié à l’État islamique, ont d’ailleurs attaqué une prison et libéré des dizaines d’islamistes qui y étaient détenus. De même, l’élimination de Ben Laden n’avait pas entraîné la dislocation d’al-Qaïda, ni de sa branche syrienne, Jabhat al-Nousra, qui occupe une partie non négligeable de la frontière d’Israël sur le plateau du Golan.
Cela ne signifie pas que les efforts investis pour éliminer les dirigeants des organisations terroristes sont vains : ces coups les affaiblissent, les contraignent à se réorganiser, augmentent les suspicions et les luttes intestines, et nous débarrassent de spécialistes aguerris à l’organisation et la réalisation horriblement meurtrière d’attentats complexes. Mais une guerre efficace se doit aussi de comporter des actions visant à éradiquer l’idéologie qui engendre ce type de terroristes.
Découverte inattendue
La semaine dernière, une école coranique a été découverte lors d’une perquisition administrative à la mosquée de Villiers-sur-Marne dans la banlieue parisienne. Cette école, hébergée dans une mosquée dont le précédent imam, salafiste, avait déclaré que ceux qui critiquent notre prophète méritent la mort et la pendaison, accueillait des enfants musulmans de manière parfaitement illégale. On y proférait un enseignement « présentant des risques d’endoctrinement ». Il n’y a pas lieu de s’étonner que douze individus condamnés pour leurs liens avec la filière djihadiste syrienne fréquentaient régulièrement cette mosquée, qui n’avait pas été fermée pour autant.
En ces jours de rentrés scolaire, il nous faut rappeler que, tant dans les territoires gérés par l’Autorité palestinienne, que dans la bande de Gaza, à Jérusalem-est et dans certaines villes et villages arabes israéliens, on inculque cette doctrine djihadiste, cette haine des Infidèles, des Croisés et des Juifs, et cette aspiration à mourir dans le Chemin d’Allah.
En parallèle à l’élimination des terroristes et de ceux qui appellent au meurtre au nom de l’Islam, il faut à tout prix fermer tous les robinets de l’enseignement de la haine djihadiste.
Ephraïm Herrera est docteur en histoire des religions, diplômé de la Sorbonne et vient de publier « Les maîtres soufis et les peuples du livre » aux Éditions de Paris, ainsi que « Le Jihad, de la théorie aux actes » et « Étincelles de Manitou » aux éditions Elkana.