L’été brille encore de tous ses feux. A la porte d’Israël, nommée familièrement « Nat-bag», se pressent les milliers de nomades estivaux, et les plages assiégées offrent la promesse d’un moment de fraîcheur.
En cette période de l’année qui s’achève, nous lisons les derniers chapitres du cinquième livre de la Torah, Devarim. Moché, qui a guidé le peuple et a nourri tant les corps que les âmes, s’apprête à quitter notre monde et à confier la nouvelle génération à son fidèle disciple, Yehochoua. Il mourra dans le désert, comme Aaron et Miriam et toute la génération des esclaves affranchis. Il ne verra la Terre promise que de loin, du haut de la montagne justement nommée Har ha-avarim, montagne aux deux versants, l’un tourné vers l’avenir et ses tâches nouvelles, et l’autre tourné vers la nuit, vers l’inconnaissable mystère de la mort et du départ du Maître irremplaçable.
Fin douloureuse, incompréhensible. Lorsque Moché implore D.ieu de le laisser franchir la frontière qui sépare le désert de la Terre, D.ieu lui répond : « C’est assez pour toi, cesse de me parler à ce sujet. » Cette fin de non-recevoir nous enseigne que nous ne pouvons pas tout comprendre. Certes, notre soif de savoir est insatiable. Nos machines entretiennent l’illusion d’un savoir illimité. Tout semble à notre portée, il suffit d’un déclic pour réaliser tous les rêves. Illusion dangereuse : la terre promise par la technique est virtuelle et non vertueuse. L’homme doit être rappelé à ses limites. C’est une première leçon d’humilité donnée par « le plus humble des hommes ».
Mais Moché n’a pas dit son dernier mot. Les derniers chapitres de la Torah nous font entendre un double chant, « Haazinou «, « écoutez, cieux… » et « Ve-zot ha-beracha », « voici la bénédiction ». Le premier est empreint de sévérité rappellant au peuple ses manquements, et le second, de tendresse et d’amour. Le mot de la fin est chant, poème. Moché, le législateur, nous enseigne le double chant qui dit aussi bien la douleur que l’espoir. Nous ne savons pas tout, mais nous pouvons, dans le double chant, louer le Créateur du Tout, jour et nuit, mort et vie, et toutes Ses créatures. Certes, nous vivons dans un monde imparfait, qui semble voué à la violence, à la guerre et à la destruction. La violence habite le cœur de l’homme dès l’aube de l’humanité et elle trouve toujours de nouvelles raisons. Nul ne peut se dire innocent en bonne conscience. Mais la vraie Terre promise, celle de la vraie vie est celle ou règneront la paix, l’amour et l’amitié. Cette Terre ne se conquiert pas par la force et ne s’acquiert pas à coup de millions de dollars, mais par la patience, l’humilité et la capacité d’écoute.
Chéma Israël : ce que nous ne pouvons ni voir ni posséder, le cœur d’autrui, la proximité divine, se laisse entendre, pour peu que nous ouvrions l’oreille du cœur.
Rav Daniel Epstein