L’été est une invitation à la détente et à la légèreté. C’est aussi l’appel du large : partir ailleurs, voir d’autres paysages, flâner, oublier les soucis quotidiens. Pourquoi pas ? Mais c’est peut-être aussi l’occasion, avant les fêtes graves d’automne et les jours dits « redoutables », de nous ouvrir à ce qui d’ordinaire nous échappe, non pas ailleurs, mais là où nous sommes. Apres 40 années de tribulations dans le désert, Moché notre Maître dit aux enfants d’Israël : “Et D.ieu ne vous a pas donné de cœur pour savoir, d’yeux pour voir et d’oreilles pour entendre jusqu’à ce jour-ci”. Il aura fallu 40 années d’épreuves pour que le cœur sache, les yeux voient et les oreilles entendent. Serions-nous, nous aussi, aveugles, sourds et insensibles, au point de ne pas entendre ce que nous crie ce verset ? A ces paroles éternelles font écho celles du poète R.M Rilke dans les « Cahiers de Malte » : « Est-il possible que, malgré inventions et progrès, malgré la culture, la religion et la connaissance de l’univers, l’on soit resté à la surface de la vie ? ». Serions-nous restés, à force de nous gaver de clichés et de slogans publicitaires, à force de surfer sur la Toile, à la surface de la vie ? Le Talmud (traité Taanit, 20) nous raconte l’histoire de ce Rabbi sorti du Beth Hamidrach tout imbu de son savoir et qui croisa sur son chemin un homme d’une extrême laideur. Lorsque celui-ci le salua, au lieu de répondre à son salut, il lui demanda : “Tous les habitants de ta ville sont-ils aussi laids que toi” ? Et l’étranger de répondre : “Je l’ignore, pose ta question à l’artisan qui m’a créé”. Le Rabbi confus descendit alors de son âne et implora l’homme de lui pardonner mais celui-ci refusa et ne céda aux demandes de pardon des habitants de la ville venus accueillir le Maître qu’après que celui- se soit engagé à se transformer. Ce qu’il exprima en enseignant : “Que l’homme soit souple comme le roseau et non rigide comme le cèdre”. Savoir et être fier de son savoir ne signifie pas nécessairement voir.
Apprendre à voir, c’est se défaire de nos œillères, assouplir la rigidité de de nos jugements qui classent l’humanité en beaux et en laids, en savants et en ignorants, en justes et en méchants.
Il ne suffit pas d’être Rabbi riche de savoir pour bien voir. Il faut descendre de l’âne que chevauchait le Rabbi, ou sortir de notre belle voiture aux vitres teintées et voir les créatures avec humilité. C’est alors que nous pourrons découvrir en chacune le reflet de l’Artisan qui nous a créés.
Rav Daniel Epstein