Les quelques centaines de jeunes que j’ai eu le plaisir de rencontrer en France durant la quinzaine de jours passés entre Paris, Marseille, Lyon, Strasbourg ou Nice, avaient dans leurs yeux autant d’amour d’Israël que leurs aînés des années précédentes. L’affluence lors des salons organisés par l’Agence Juive était grande, bien plus grande que celle de l’an passé, même si on est encore loin de la foule rencontrée il y a deux ou trois ans ! 2017-2018 sera donc vraisemblablement une bonne année pour la Alya des jeunes français.
A quoi est dû ce regain d’intérêt ? Un ami à qui je posais la question, me conseilla de chercher la réponse du côté du 7 mai, date du second tour des présidentielles. “Les Juifs français sont incorrigibles, ajouta-t-il. Depuis que l’affaire Pénélope a déstabilisé Fillon, ils ont peur d’avoir à choisir entre une gauche anti-israélienne et l’extrême-droite. Alors certains repensent à l’option israélienne. Comme si la alya pouvait être une fuite ! Ah, où est passé le temps où les juifs montaient par amour du pays ! Seule une motivation positive est le gage d’une alya réussie. Monter par peur, c’est l’échec assuré !”, conclut mon ami.
Je n’ai pas aimé son analyse. Ni dans la forme, ni sur le fond. Pourquoi présenter comme incompatibles les alyot “positives” , animées exclusivement par l’amour d’Israël et les alyot qui seraient “négatives” parce que déclenchées par la peur de la situation en Diaspora? Comme si la plupart des vagues historiques d’alya répertoriées dans les manuels d’histoire avaient été dues à la décision prise en toute sérénité de rejoindre la Terre Promise, exclusivement par idéal ! La 1ere Alya agricole, à qui l’on doit la fondation de Zihron Yaakov ou de Rishon Letsion, n’a-t-elle pas débutée en 1881 à cause des pogroms de Kiev puis doublée en 1890 par l’expulsion des Juifs de Moscou? Et la seconde alya de 1903, à qui l’on doit l’invention des kibboutzim et la création de Tel Aviv n’est-elle pas une réaction aux pogroms de Kichinev? Ceux de la 3ème Alya n’ont-ils pas fui la révolution bolchévique et la guerre civile hongroise? Les Juifs polonais de la 4ème n’ont-ils pas fui les mesures économiques antijuives du gouvernement de Varsovie? Et les Juifs allemands et autrichiens qui constituent l’essentiel de la 5ème vague seraient-ils venus si un certain Hitler n’avait pas pris le pouvoir en Allemagne? Et plus près de nous, combien de Juifs égyptiens, libanais, irakiens, marocains, russes, éthiopiens peuvent affirmer qu’ils seraient venus de toute façon même si les maîtres de leur pays respectif ne leur avaient pas indiqué d’une façon ou d’une autre la direction de la sortie? Est-ce à dire que leurs alyot à qui nous devons ce que nous avons aujourd’hui, n’étaient pas des alyot positives, sionistes? N’étaient-ils pas des amoureux de Sion même si chacun d’eux fuyait une situation devenue pour eux insupportable?
D’ailleurs, la halakha nous enseigne qu’il existe 3 sortes de Shofar. Le meilleur est fait à partir de la corne du bélier uniquement. Si vous n’en trouvez pas, n’importe quelle corne provenant d’une bête cachère est valable. Mais si même celles-ci sont introuvables, on peut utiliser la corne de n’importe quelle bête, même impure, et on sera quitte de la mitsva. Mais on ne fera pas de berakha dessus. C’est le Rav Kook qui, en 1934 (!), nous expliqua que le Shofar de la Rédemption, lui aussi, existe en 3 versions. Le “grand shofar”, celui que nous appelons de nos vœux 3 fois par jour, est celui qui nous invite à quitter l’exil pour retrouver la terre de la Shekhina et hâter la venue du Messie. C’est le son du Shofar qu’ont entendu les juifs yéménites dès 1882 ou les élèves du gaon de Vilna en 1808. Puis il y a ceux qui rentrent en Israël pour retrouver une fierté nationale mais sans rapport direct avec la kedoucha, la shekhina ou le rêve messianique. C’est le “Shofar moyen”. Lui aussi est cacher. Enfin, lorsque même celui-ci manque à l’appel, les antisémites se chargent de sonner à nos oreilles le “petit shofar”. La bête est impure, on ne fera pas de brakha dessus, mais ne vaut-il pas mieux un petit shofar que pas de shofar du tout? Il me semble que les oreilles des jeunes Juifs de France entendent en ce moment le son de plusieurs Shofarot simultanément. Et c’est très bien ainsi!
Arrêtez-moi si je dis des bêtises….
(P.S: suite à certaines réactions au dernier “kling du mois”, je tiens à préciser que le texte était à lire au second degré: je n’ai rien contre le port du talith katan, bien au contraire…)
Rav Elie Kling