Par André Versailles
Nous savons qu’un racisme frappe des immigrés en général, et certains de culture musulmane en particulier. En revanche, il me semble nécessaire de parler d’autres racismes que l’on rencontre très fréquemment dans les cités, et dont nous ne voulons pas entendre parler : l’antisémitisme, devenu un marqueur identitaire pour beaucoup de jeunes musulmans, et la francophobie.
On entend souvent dire que la parole raciste antimusulmane s’est libérée. C’est bien mal connaître l’histoire récente de la France. Sans remonter à la période coloniale, il suffit de se souvenir des blagues racistes anti-arabes débitées par des chansonniers dans les années 1960. Les mêmes blagues, qui à l’époque ne choquaient pas grand monde, seraient regardées aujourd’hui comme autant d’incitations à la haine raciale, et les chansonniers traînés devant les tribunaux. Même les attentats n’ont, heureusement, pas provoqué de soulèvement de haine. Les réactions les plus visibles ont été la multiplication de dépôts de bougies, et quelquefois de peluches, en même temps que de déclarations enjoignant de ne pas faire d’amalgame avec la population musulmane. Et combien de « Vous n’aurez pas ma haine ! », adressés aux djihadistes, n’avons-nous pas entendus…
« On refuse de voir l’idéologie intégriste, on retient la culpabilité occidentale. »
Par contre, la parole antisémite, elle, s’est libérée. En témoignent le succès des spectacles de Dieudonné ou les délires complotistes sur les réseaux sociaux, en particulier ceux d’Alain Soral dont les vidéos sur YouTube font des audiences spectaculaires (entre cent mille et trois cent mille vues). Leurs propos étaient inimaginables il y a quarante ans. Autres témoignages du retour décomplexé de l’antisémitisme : la violence qui a éclaté, en août 2014, pendant la bataille de Gaza, lors de plusieurs manifestations. Non pas l’agitation anti-israélienne, qui peut tout à fait se comprendre, mais la brutalité de slogans antisémites, et les voies de fait : des synagogues et des commerces juifs ont été vandalisés, et des juifs isolés ont été molestés. La vague antisémite fut telle que Ban Ki-moon, s’en était inquiété : « le secrétaire général des Nations unies a déploré la récente flambée d’attaques antisémites, notamment en Europe, en lien avec les manifestations concernant l’escalade de la violence à Gaza. »
Cette violence contraste avec l’absence de toute manifestation de quelque ampleur condamnant les crimes d’Al-Qaeda, de Bachar el-Assad ou de Boko Haram, dont les tueries font des milliers de victimes. Je mentionnerai également le fait que, depuis des années, les lieux juifs (synagogues, cercles culturels, écoles) sont visés par des attentats et doivent être gardés par la police, voire par l’armée ; et bien sûr, le brutal antisémitisme qui se déploie depuis plus de vingt ans dans les cités sensibles, comme l’a montré Les Territoires perdus de la République. Des professeurs y ont fait état de l’augmentation de manifestations agressives à l’égard des juifs et des Français de souche. L’un des auteurs de l’ouvrage, Élisabeth Amblard, écrit : « On refuse de voir l’idéologie intégriste, on retient la culpabilité occidentale. […] Les identités meurtrières se disent de façon virulente : “Sale feuj, sale pute, sale française”. “Juif” se dit plutôt entre élèves arabes, suprême injure qu’ils s’adressent à eux-mêmes. Au-delà de l’injure, les coups : “Ma fille a une amie algérienne ; son frère l’a assommée car elle fréquente une juive” (un professeur d’origine kabyle).1 » Le même auteur rapporte des paroles violentes d’un élève. Réponse d’un représentant du culte musulman : « C’est de l’ignorance ; on ne peut pas leur en vouloir. »Élisabeth Amblard ajoute : « C’est aussi le discours du MRAP…»
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