Emmanuel Navon est un géopolitoloque qui enseigne à l’Université de Tel-Aviv et au Centre interdisciplinaire de Herzliya. Il est Senior Fellow au Forum Kohelet et analyste pour la chaîne i24news. Originaire de Paris, il vit en Israël depuis 23 ans.
Il nous livre son analyse du premier tour de l’élection présidentielle en France.
Le P’tit Hebdo: Il y a quelques semaines, vous avez pris clairement position en faveur de François Fillon. Pourquoi avoir ressenti la nécessité de le faire?
Emmanuel Navon: Je ne vote pas pour les élections en France car, ayant fait mon Aliya il y a 23 ans, je ne trouve pas normal de voter dans un pays dans lequel je ne vis pas et où je ne me paie pas mes impôts. J’ai pris position sur l’élection présidentielle française comme je le fais sur d’autres sujets de politique internationale (comme récemment sur le Brexit ou les élections aux Pays Bas).
Lph: Pour quelle raison avez-vous choisi François Fillon?
E.N.: Son programme économique était, à mon sens, le seul capable de redresser la France. Il était crédible et sérieux. J’ai également été choqué par le lynchage médiatique et judiciaire dont il a été la cible. Au point que j’ai publié une tribune dans Le Figaro que j’ai titrée : “François Fillon, Tenez Bon !”
Lph: Pourquoi l’onde de choc ressentie dans toute la France en 2002, lorsque JM Le Pen est arrivé au second tour, est inexistante aujourd’hui?
E.N.: Marine Le Pen s’est démarquée des déclarations antisémites de son père, bien que le FN demeure le même parti. Elle a également eu la présence d’esprit de parler d’économie et pas seulement d’immigration, bien que son programme économique soit semblable à ce que propose l’extrême gauche et serait ruineux pour la France.
Lph: Comment analysez-vous les résultats de ce premier tour avec Emmanuel Macron en tête, et les deux grands partis traditionnels dehors?
E.N.: Les Français ont rejeté le courage demandé par François Fillon. Ils ont refusé de faire face à la réalité économique qui exige de faire des efforts pour adapter l’État providence à la démographie et à la globalisation.
Les accusations (pour l’instant non prouvées) contre Fillon ont à mon sens servi de prétexte à de nombreux électeurs pour rejeter l’effort et la rigueur nécessaires que seul son programme exigeait. Emmanuel Macron est une imposture et une inconnue. C’est un homme certes intelligent et capable, mais qui reste vague et se contente de slogans. Il a su se frayer dans le vide laissé par les primaires de droite et de gauche, qui ont produit des candidats non consensuels.
Hollande, il faut l’admettre, a fait très fort : il a torpillé Fillon, coulé les Socialistes (qui ne voulaient pas de lui comme candidat), et placé son poulain à sa succession. Car Macron, c’est la continuation d’Hollande par d’autres moyens. Jamais le slogan “élections piège à cons” n’a sonné plus juste.
Lph: Dans ce contexte, quelle est votre position pour le second tour?
E.N.: Entre Marine Le Pen et Emmanuel Macon, mon choix va évidemment pour Macron (ou, plus exactement, ma recommandation puisque je ne vote pas). Là aussi je suis en accord avec Fillon, dont le discours de défaite était très digne et dont la recommandation pour le deuxième tour était celle d’un homme patriote et responsable. Fillon est un gentleman.
Lph: Le vrai deuxième tour de la présidentielle n’aura-t-il pas lieu lors des législatives du mois de juin?
E.N.: Le questionnement autour des législatives tient au mode de scrutin majoritaire en vigueur, qui favorise les grands partis. Il y aura trois scenarii possibles : les candidats d’En Marche sont majoritaires, ce dont je doute; la droite est majoritaire et dans ce cas on aura une cohabitation; les socialistes sont majoritaires et Macron constituera un gouvernement de gauche. Il est également probable que les Socialistes quittent en masse leur Titanic et rejoignent En Marche.
Lph: Doit-on s’attendre à un changement de politique vis-à-vis d’Israël?
E.M.: Cette question est une question de Juif de Diaspora. Israël est un pays souverain, une puissance militaire, économique, et technologique. Le président français, comme tout chef d’État ou de gouvernement, se préoccupe des intérêts de son pays, et pas des intérêts d’autres pays.
Lph: Et les Juifs de France? Leur sort va-t-il évoluer lorsque l’on voit que les deux partis antisémites en course (ceux de Marine Le Pen et Jean-Luc Mélenchon) obtiennent à eux deux plus de 40% des suffrages?
E.N.: Effectivement, 40% des Français ont voté pour des candidats anti-libéraux et anti-globalistes. Et nous savons qu’il y a toujours un sous-entendu sur les Juifs dans le discours anticapitaliste. Chez Mélenchon, c’est plus qu’un sous-entendu. Le Pen se garde, contrairement à son père, de tenir des propos ouvertement antisémites mais quand elle parle de “la finance internationale” on sait à qui elle fait allusion.
Si je ne me soucie guère de l’opinion des politiques français sur Israël, je suis en revanche plus attentif en ce qui concerne les Juifs de France. Oui, je pense qu’il s’agit d’une sonnette d’alarme.
Propos recueillis par Guitel Ben-Ishay
Photo: Reuven Kaposhinsky
Fillion voulait fairetravailler les français davantage sans augmenter les salaires, diminuer les fonctionnaires de 500000, revenir sur les RTT. Fillon a été nul, il a été battu n’ayant pas compris ce qu’est une élection présidentielle, qui ne peut être ganée qu’avec plus de 50% des voix. Mr Navon, votre analyse est un peu erronée sur le cas Fillon, avec tout le respect qui vous est dû.
Fillon aurait enlevé les charges salariales ce qui les aurait automatiquement augmentés de 15 à 20%, mais les médias n’ont parlé que de purges et les idiots les ont suivis!