”Le changement c’est maintenant!”, disait un slogan qui a plutôt réussi à son auteur… Alors le changement, c’est quoi et pourquoi fait-il peur mais attise-t-il aussi notre curiosité? LPH s’est interrogé sur ce concept en allant à la rencontre d’une coach originale: Ayelet Ginzburg.
Elle a fait du changement et de la prise de décision son domaine de prédilection et donne des conférences dans tout Israël pour guider, orienter, conseiller ceux qui veulent faire le grand saut.
Le P’tit Hebdo: Si vous parlez si bien du changement c’est que vous l’avez vécu vous-même, racontez-nous votre expérience.
Ayelet Ginzburg: Effectivement, je ne suis pas née coach ni conférencière. Pendant de nombreuses années j’étais dans une petite société de hi-tech. J’avais un poste stable, dans lequel je faisais mes preuves et qui me garantissait un salaire fixe et confortable. Mais au fond de moi, cette situation ne me comblait pas. Je souffrais d’aller tous les jours au travail, je ne m’épanouissais pas. J’avais besoin de changement.
J’ai alors étudié le coaching, différentes spécialités, comme le langage du corps et autres points de vue de l’humain. Et j’ai voulu démissionner pour me lancer dans une nouvelle carrière. A cet instant, j’ai entendu deux voix. Celle de mes proches qui par amour pour moi, me mettait en garde contre ce qu’ils estimaient être un manque de responsabilité: “une mère de famille ne quitte pas son travail ainsi et puis il y a tellement de coach pour tout, que vas-tu faire?”. Mais j’ai aussi entendu la voix de ceux qui étaient dans le domaine vers lequel je me dirigeais, qui y avaient réussi et qui m’encourageaient à me lancer.
Finalement, j’ai démissionné et je suis devenue coach et conférencière. Le changement a porté ses fruits!
Lph: Quelle est la principale leçon que vous avez tirée de cette période de changement?
A.G.: J’ai compris que la vie était comme un jeu de serpents et d’échelles. Il faut savoir tomber sur les échelles pour grimper vite et éviter les serpents qui nous font redescendre, parfois jusqu’à la case départ. Et ce n’est pas évident parce que souvent les serpents sont les gens qui nous sont le plus proches, parce qu’ils nous aiment et qu’ils ont peur pour nous.
Lph: La peur justement, c’est aussi celle que l’on éprouve soi-même lorsque l’on est confronté à une option de changement. Pourquoi changement et peur vont-ils toujours ensemble?
A.G.: La peur existe chez tout le monde. 100% des gens ont des peurs. Et ce sentiment ne doit pas être ignoré parce qu’il joue un rôle très important. La peur nous préserve et nous protège même quand elle est authentique, face à un danger vital.
La peur peut aussi être liée à un ressenti négatif face à une situation donnée: échec, foule, animaux, etc. Dans ce cas, nous devons apprendre à la gérer.
La peur doit avoir sa place mais elle ne doit pas diriger notre vie.
Le changement fait peur, c’est vrai. C’est parce que le changement a un prix. Si je veux manger plus sainement alors je dois prendre du temps pour cuisiner, si je veux changer de métier alors je dois démissionner, perdre mon confort, momentanément, etc.
Lph: Comment faire pour ne pas que cette peur dirige nos décisions?
A.G.: Quand j’ai donné ma première conférence devant 120 personnes, j’avais peur! Ce qui m’a permis d’y arriver c’était le fait de me dire que jamais ma première conférence ne serait aussi aboutie que ma quatrième ou ma cinquième. J’avais fait le maximum pour être prête, mais je devais accepter qu’il s’agissait d’un processus.
Il faut se résigner au fait que l’on ne peut jamais voir l’image dans sa globalité avant de s’être lancé. Mais on doit se demander quel message on veut passer pour soi-même, pour ses enfants quand on décide de bouger ou de ne pas bouger.
Lph: Pour nous, francophones d’Israël, l’un des plus grands changements de notre vie a été notre alya. Quels conseils donneriez-vous aux olim hadashim ou aux candidats à l’alya?
A.G.: Il s’agit d’un grand changement qui peut être abordé avec les mêmes outils que d’autres tournants dans la vie. Je parlais d’échelles et de serpents, eh bien, pour l’alya aussi il faut savoir trouver les échelles: cela peut être des associations, des données trouvées sur internet ou des personnes ayant déjà fait leur alya et qui peuvent faire profiter de leur expérience.
Comme tout changement, l’alya a un prix qu’il faut accepter. L’alya est un sujet très important, il s’agit de la vie des gens, de leur famille. C’est pourquoi, il convient de souligner que tout changement se fait dans la longueur et que cela peut prendre du temps.
Lph: Finalement, le changement fait peur, il nous coûte, il comporte une part de risque… Pourquoi ne pas tout simplement rester dans notre zone de confort? Doit-on chercher à changer pour être heureux?
A.G.: Prenez le cas d’un développeur informatique, s’il ne se met pas au courant des mises à jour des programmes, il devient vite obsolète. Même nos téléphones portables demandent des mises à jour! Un couple qui ne cherche pas à se renouveler, se met en danger. Il existe plein d’exemples! Vous comprenez où je veux en venir: nous devons faire des mises à jour, c’est une autre façon de dire que le changement est indissociable de l’avancée dans notre vie.
Le changement peut aussi être fait d’échecs, en réalité, la réussite est faite d’échecs. Quand nous voyons des personnes qui ont ”réussi”, nous ne voyons pas tous les échecs qu’elles ont essuyés pour en arriver là. On tire de ses échecs et on avance. Parfois, ils nous permettent aussi de réévaluer nos objectifs en cours de route et tant mieux. Un être humain normalement constitué a la volonté de se développer, à son rythme, mais d’être en mouvement. Nous devons bouger pour conserver notre place.
Pour que le changement soit source de joie, il faut savoir apprécier chaque résultat obtenu. Il est nécessaire de faire des pauses et d’observer ce que l’on a déjà accompli et apprécier le chemin parcouru.
Lph: Pour un changement bien amorcé, quels conseils donnez-vous avant de se lancer?
A.G.: Un changement ne doit pas être né d’un caprice. Il doit venir d’une réflexion, d’une prise de responsabilité. On doit d’abord apprendre sur soi-même et trouver les échelles dont je parlais.
Surtout, il est important de savoir que notre façon de penser est constituée de beaucoup d’éléments comme notre héritage familial, notre vision du monde. On doit aussi parfois apprendre à penser différemment pour amorcer un changement. Quand on est exposé à une nouvelle idée on la confronte à notre système de valeurs et parfois on doit faire preuve de souplesse afin de l’accepter.
En dernier lieu, je dirais qu’il faut penser, c’est fondamental et indispensable, mais aussi agir. Si on ne fait que penser on n’avance nulle part. Tant que l’on n’a pas agi, alors on n’a rien fait. Il ne s’agit pas de faire d’emblée un changement dramatique, dans tous les cas, mais au moins de se lancer pour comprendre encore mieux et parfois même différemment les choses et ainsi progresser.
Pour aller plus loin:
Guitel Ben-Ishay
Photo: סטודיו אורות – צילום ועיצוב