L’un des commandements mentionnés dans notre paracha est celui qui consiste à compter les jours qui séparent la fête de Pessa’h de celle de Chavouoth : la séfirat haomer.
Nos maîtres relèvent deux anomalies dans les versets consacrés à ce décompte ; la première concernant sa durée, la seconde portant sur la nature même de cette mitsva.
Concrètement, la supputation du Omer s’étend sur quarante-neuf jours. Or la Torah écrit : « Vous compterez jusqu’au lendemain de la septième semaine, soit cinquante jours. » (Lévitique, 23, 16)
Par ailleurs, les commentateurs soulignent que le compte du Omer reflète l’impatience des enfants d’Israël à recevoir la Torah après leur sortie d’Égypte. Pourtant, au lieu de compter les jours qui nous restent à parcourir avant Chavouot, nous mentionnons les jours écoulés depuis Pessah : « Aujourd’hui est le premier jour du Omer », « Aujourd’hui est le deuxième jour du Omer » etc.
N’aurait-il pas été judicieux d’exprimer notre attente à travers un compte à rebours en disant « Plus que trente jours, plus que vingt-neuf jours etc. »?
Une Torah sans frontières
Pour répondre à ces difficultés, nous devons au préalable analyser la spécificité de la fête de Chavouot.
Toutes les fêtes juives sont marquées par la pratique de commandements spécifiques. Ainsi, Roch Hachana, nous sonnons du Chofar. À Souccot, nous élisons domicile dans une cabane. À Pessah, nous éliminons toute trace de pain et consommons exclusivement de la Matsa. En revanche, la fête de Chavouot ne se distingue par aucune mitsva particulière. Pourquoi cette exception ?
Car Chavouot célèbre le don de la Torah qui, de par sa nature infinie, ne peut « se confiner » à un symbole précis. Rien, pas même les mitsvot qui constituent pourtant la base de la Torah, ne peut véhiculer son essence.
La Torah est infinie, intemporelle, éternelle. Et c’est d’ailleurs la raison pour laquelle elle a été donnée dans un désert, un espace sans frontières.
Or pour être à même de percevoir l’infini, il faut impérativement faire le « vide » en soi.
Voilà pourquoi le don de la Torah nécessita une démarche de préparation spirituelle intense d’une durée de quarante-neuf jours.
À ce propos, il est intéressant de noter que le mot hébreu (’holé) qui signifie « malade » a pour valeur numérique 49.
Après la sortie d’Égypte nous étions pour ainsi dire « malades et contaminés » par toutes les formes d’idolâtrie qui étaient en vigueur dans l’Égypte d’antan. Nous devions donc impérativement effectuer un travail sur nous-mêmes pour « guérir spirituellement » et franchir les quarante-neuf degrés qui séparent l’impureté de la pureté.
Pour que chaque jour compte vraiment …
À présent, à la lumière de ces enseignements, nous pouvons résoudre les deux difficultés soulevées au début ce Dvar Torah.
Loin d’être un banal décompte, la supputation de l’Omer invite l’homme à se dépasser, chaque jour qui passe afin d’améliorer son comportement et tendre vers le Bien.
En effet c’est grâce au Tikoun Hamidot, le raffinement de nos traits de caractères, que nous pourrons amener l’ensemble de l’humanité au Tikoun HaOlam (amélioration transformation de la société).
Chaque jour donc, nous comptons, nous faisons le bilan. De façon concrète en nous interrogeant : ‘’Comment est-ce que je me suis comporté vis-à-vis de mon prochain ? De quoi a-t-il besoin ? Comment puis-je l’aider concrètement ?”
Certes, le décompte s’étend sur quarante-neuf jours et non pas cinquante. Mais son objectif suprême est d’atteindre une plénitude intérieure qui aboutira au cinquantième jour : le don de la Torah.
Intrinsèquement, la Torah est inaccessible puisqu’elle prend sa source dans l’Infini. Compter ce cinquantième jour est donc impossible. Mais dans sa bonté, Dieu nous l’a révélée et l’a mise à notre portée comme si nous avions compté le cinquantième jour. D’où le verset : « Vous compterez jusqu’au lendemain de la septième semaine, soit cinquante jours. »
Le degré auquel nous accéderons en ce grand jour de Chavouot est fonction de notre effort quotidien. Voilà pourquoi nous comptons les jours écoulés et non pas ceux qui nous restent à parcourir.
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