Dans le premier chapitre de son livre ‘Netsah’ Israël’, le Maharal de Prague définit la Gueoula par rapport à l’exil, restant fidèle à son enseignement sur l’union des contraires : on ne peut comprendre une notion que l’on veut définir qu’en connaissant son contraire, de la même façon que le noir permet de définir le blanc et que le mal permet de comprendre le bien. Le Maharal décrit l’exil comme une situation caractérisée par trois composantes : la sortie du lieu naturel – la terre d’Israël -, la dispersion parmi les nations et l’asservissement à un autre peuple. Et à partir de cela, la situation de Gueoula, contraire à l’exil, se caractérise par trois composantes : le retour, le rassemblement, et l’indépendance politique. Il faut d’ailleurs noter qu’on ne trouve, dans la définition de l’exil et de la Gueoula, aucun élément spirituel.
La Délivrance est politique, à l’inverse du christianisme qui considère la Rédemption comme un événement spirituel et mystique au cours duquel l’âme est libérée de l’impureté des fautes et de l’enfer éternel.
Le judaïsme n’a pas d’inquiétude pour le sort de l’âme étant donné qu’il est écrit : ‘Tout Israël a une part dans le monde futur’ (Sanhedrin chap. 10, 41). Le judaïsme rejette toute idée d’une divinité hostile envers l’homme et souhaitant se venger de lui. L’homme a justement pour mission véritable de réparer ce monde. Et comme le principal levier qui enclenche les processus historiques dans ce monde est la politique, Dieu a confié à Abraham une mission politique dans son essence : un peuple (dans le sens d’une nation) dans les frontières d’un pays donné, c’est-à-dire la création d’un Etat.
Sur la base des événements qui accompagnent la Gueoula se produisent des processus spirituels de repentir, de paix mondiale, de retour de la prophétie, de reconstruction du Temple, etc. Mais ce sont les conséquences de la Gueoula, non pas la Gueoula elle-même. Une discussion très vive a opposé Rabbi Eliézer et Rabbi Yeoshoua (Sanhédrin 97, 2 et 88, 1) sur la question suivante : la Gueoula dépend-elle du retour aux traditions (Techouva) du peuple d’Israël ou non ? Quelle que soit la réponse, le fait de présenter ainsi la question prouve que, de tous les avis, la Gueoula n’est pas la Techouva mais un processus qui lui est parallèle.
Dans le système des fêtes que nous a donné la Tora, Pessah, où nous célébrons la délivrance de 600 000 idolâtres d’Egypte, est séparée de Shavouoth, qui marque le don de la Tora. Même si le compte du Omer établit un lien entre les deux fêtes, la Tora n’a pas fait dépendre la fête nationale de Pessah de celle d’une fête de Shavouoth toranique, mais au contraire, il ne pouvait y avoir de don de la Tora sans la sortie d’Egypte. Même si un Pharaon éclairé avait accordé une liberté de culte en Egypte, cela n’aurait pas été la Tora d’Israël étant donné qu’il n’y n’avait pas l’infrastructure d’une indépendance politique rendant possible la grande vision exprimée dans le verset : « Et seront bénies par toi toutes les familles de la terre ».
Rav Oury Cherki
Traduit de l’hébreu par Claire Dana-Picard