A la longue liste des malheurs qui se sont abattus sur le peuple d’Israël pendant la période des trois semaines et plus particulièrement le 9 av, nous avons ajouté depuis onze ans maintenant, l’évacuation forcée des habitants du Goush Katif.
Cet épisode demeure douloureux dans la conscience collective de la majorité des Israéliens surtout à la lumière des évènements sécuritaires qui s’en sont suivis et du sort réservé aux familles expulsées dont beaucoup n’ont toujours pas de logement et d’activité professionnelle dignes de ce nom…
Pour autant, les organisations d’extrême-gauche et dans leur sillage la Cour Suprême continuent de chercher les occasions et les prétextes pour faire évacuer d’autres yichouvim en Judée-Samarie. C’est le cas d’Amona, près de la localité d’Ofra, dans le Binyamin, menacée depuis plusieurs années par un ordre d’évacuation, qui doit, en l’état actuel des choses, être mis à exécution d’ici décembre 2016.
Amona: une première évacuation dans la violence
Les sorts du Goush Katif et d’Amona sont liés dans l’histoire. En effet, le premier ordre de destruction et d’évacuation de 9 maisons dans ce yichouv a été exécuté en janvier 2006, soit moins de 6 mois après le traumatisme du Goush Katif. Cette fois-ci, les habitants et leurs soutiens ont décidé d’opposer une résistance ferme aux forces de l’ordre venues les déloger.
Les scènes sont dramatiques, la violence est inouïe: des manifestants chargés par des policiers à cheval, des policiers pris à partie,…. Des images insoutenables.
La saga ne s’arrête pas pour autant. En effet, les plaignants comptent bien faire évacuer la totalité du yishouv et l’action en justice se poursuit.
A la base de la plainte, le fait que ce yichouv ait été construit sur des terres ayant appartenu à des Palestiniens…
Avi’hai Boaron, chef de file des opposants à la destruction d’Amona, fait partie des pionniers du yichouv. Il nous raconte: ”Amona est un yishouv qui existe depuis 21 ans. Nous avons bâti ce lieu, quelques jeunes célibataires, animés par le sionisme. Puis nous y avons rencontré nos conjoints, nous y avons fondé nos familles. Aujourd’hui ce sont 40 familles qui vivent dans le yishouv. La moitié des maisons sont en dur. La vie y est dynamique: agriculture (oliviers, vignes,…), écoles, ganim, crèches. Nous allons prochainement célébrer le mariage de quatre jeunes qui sont nés à Amona et qui veulent vivre ici, une fois mariés”.
Amona n’est pas née de façon sauvage. C’est le ministère du logement de l’époque, qui l’a fait naitre. ”Des millions de shekels ont été investis dans notre installation”, nous confirme Avi’hai Boaron.
Mais alors que le ministère du logement et celui de la défense promouvaient le développement du yishouv, le ministère de la justice a soudain eu le besoin de vérifier que tout était fait en conformité. Certes, 23 personnes pourraient réclamer la propriété de ces terres, mais, comme le souligne Avi’hai Boaron, ”seules trois se sont manifestées, poussées par les organismes d’extrême-gauche. Les autres ne s’en soucient pas, elles vivent depuis longtemps en Jordanie, au Qatar, en Arabie Saoudite ou même aux Etats-Unis…”.
Amona: la coalition tremble
A l’approche de la date fatidique de mise en application de l’ordre d’évacuation du yichouv, les déclarations et les manifestations se multiplient. Beaucoup de députés et de ministres de droite se rangent du côté des habitants de cette localité. A leur tête, les membres du parti Habayit Hayehoudi, mais aussi de grands noms du likoud, comme Yuli Edelstein ou Zeev Elkin. Amona fait trembler la coalition.
Des solutions ont été avancées comme celle de faire passer une loi qui légaliserait totalement Amona et préviendrait l’éventualité de plaintes similaires pour d’autres yishouvim. Mais le conseiller juridique du gouvernement s’y oppose.
Une autre option est celle de déplacer le yishouv de quelques mètres afin de le sortir de la zone actuelle, mais elle n’a pas encore passé toutes les étapes de validation juridique et ne séduit pas les habitants du yishouv, cela va sans dire.
Selon Avi’hai Boaron, il existe encore bien d’autres solutions, tout est une question de détermination: ”Nous serons d’accord avec toute solution qui ne nous fera pas bouger de notre lieu de vie. Ce ne sont pas juste de maisons, de pierres, mais bien de vies humaines dont il est question ici! Est-ce qu’on nous a seulement posé la question de savoir ce qui nous conviendrait?!”.
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Quand on lui demande si ce n’est qu’un problème de volonté politique, Avi’hai Boaron est univoque: ”En politique, il suffit de dire clairement les choses. Si on décide une fois pour toute de ne pas avoir peur du pouvoir judiciaire, de rendre le pouvoir aux représentants du peuple, alors rien ne peut entraver notre chemin. Le peuple doit être au-dessus de tout, nous ne devons pas vivre dans une dictature de la Cour Suprême! Ce sont les députés qui fixent les lois et la grande majorité d’entre eux, et donc du peuple, est avec nous. Je pense que beaucoup de politiques sont déterminés à sauver Amona, mais le Premier ministre ne l’est certainement pas suffisamment”.
Avi’hai prévient que les habitants d’Amona se battront jusqu’au bout, sans violence, personne ne veut assister de nouveau aux images de 2006. ”Nous ne nous laisserons pas faire! Tout ce que l’on demande c’est de pouvoir continuer à vivre”.
Le spectre du Goush Katif
Avi’hai Boaron se souvient: ”En 2005, j’étais à Netzarim pendant les semaines qui ont précédé le retrait du Goush Katif. Mon frère, sa femme et leurs 6 enfants vivaient dans le Goush Katif. Jusqu’au dernier moment, on se disait que cela ne pouvait pas arriver. On ne se remet jamais d’un tel déracinement. Ce n’est pas humain, c’est interdit de faire ça. Mon frère vient ces jours-ci, seulement, de rentrer dans une véritable maison, onze ans après!”.
Le Goush Katif est dans l’esprit de tous, et les mises en garde sont sérieuses: cela ne doit pas se reproduire. Avi’hai Boaron et tous les habitants d’Amona appellent les Israéliens à manifester leur désapprobation face au plan d’expulsion. Ils enjoignent aussi les élus à agir: ”C’est pour éviter un drame comme l’expulsion de familles que vous avez été élus. Utilisez tous les moyens à votre disposition pour cela! Le sionisme c’est construire!”
Guitel Ben-Ishay