Jusqu’à maintenant on avait le sentiment que les problématiques des olim, notamment de France, suscitaient beaucoup de paroles chez les hommes et femmes politiques, mais que très peu d’actions. Est-ce en train de changer?
Meyer Habib
Député des Français de l’étranger (8e circonscription)
Avant mon élection en 2013, je me suis engagé à servir la cause des Olim de France. C’est pour moi une priorité de tenir ma parole et je fais, jour après jour, le maximum pour y parvenir. L’alya française est une alya magnifique, qui porte les valeurs authentiques du judaïsme. L’immense majorité des Français juifs, qui décident d’aller faire leur vie en Israël, le font par choix et non par fuite – bhira et non briha – même s’il est vrai que ces dernières années la condition des Français juifs s’est dégradée… Les Olim de France sont massivement animés par un idéal sioniste, un attachement très fort à la Terre d’Israël et aux valeurs de la Torah. Dès le début de mon mandat, j’ai entrepris de sensibiliser aux préoccupations et attentes des Français d’Israël mon ami, le Premier ministre Netanyahou, avec lequel j’entretiens une relation privilégiée. Le Premier ministre reste, à ce jour, mon principal soutien dans ce travail et sans lui, aucun progrès n’est possible.
D’une manière générale, je suis content de constater qu’aujourd’hui les leaders politiques israéliens, de tous bords et avec qui je suis en contact, se sont réveillés sur la question. Cette mobilisation et la forte volonté politique du gouvernement a déjà permis d’aboutir à des avancées concrètes, même si beaucoup reste évidemment à accomplir. On l’a vu récemment avec l’adoption le 25 janvier de la loi de reconnaissance des diplômes de dentistes, ou encore le 2 février pour certaines professions paramédicales (kinésithérapeutes, orthophonistes…). D’autres chantiers sont actuellement ouverts, qu’il s’agisse d’autres professions ou de sujets aussi cruciaux que l’accès au logement ou la conversion du permis de conduire français, sujet sur lequel je suis en contact étroit avec Israël Katz, ministre des Transports. Il faut être patient mais les choses évoluent dans la bonne direction. Je rappelle qu’avec Israël Katz, nous avions déjà réussi à obtenir, il y a deux ans l’accord « Ciel Ouvert » entre l’UE et Israël, qui permet notamment d’ouvrir des lignes low-cost facilitant la liaison France-Israël, pour le plus grand bénéfice des plus modestes.
Oui, les choses sont en train de changer. Je ne suis, heureusement, pas seul dans cette tâche difficile. J’y travaille avec le gouvernement israélien mais aussi de très nombreuses associations françaises et francophones, qui réalisent un travail remarquable sur le terrain, dans le domaine de la culture, du social et de l’éducation. Je tiens à saluer leur engagement. Le chemin est encore long mais ma détermination est plus forte que jamais.
Directeur de l’Agence Juive en France
La question sous-entend que le gouvernement israélien n’agit pas pour développer la Alya des Juifs du monde entier et parmi eux, ceux de France. Il me semble que cette affirmation omet de prendre en considération les efforts considérables engagés par Israël depuis sa création pour aider les Juifs qui le souhaitent ou ceux qui n’ont d’autres choix que venir s’installer en Israël. Il est normal d’en vouloir toujours plus, c’est l’exigence d’un citoyen face aux pouvoirs publics. Mais n’oublions pas la « Loi du retour » qui permet à chaque Juif de devenir israélien en posant son pied sur la Terre de ses ancêtres. En pleine crise des migrants en Europe connaissez-vous un seul pays au monde permettant un processus d’immigration aussi rapide que le nôtre ? N’oublions pas les services de l’Agence Juive qui accompagnent les futurs olim dans leurs démarches depuis leur pays d’origine. N’oublions pas le Ministère de l’Alya et de l’intégration qui multiplie les programmes d’aide et d’accompagnement au olé et qui a augmenté de façon importante ces deux dernières années les budgets destinés à l’Alya des Juifs de France. N’oublions pas toutes ces associations de terrain qui au quotidien accompagnent les olim dans leurs premiers pas en Israël. L’action publique est composée de paroles et d’actes. Dans le domaine de l’Alya la parole politique est quasi consensuelle depuis la création de l’État d’Israël, que le Premier Ministre soit de gauche ou de droite, le retour des Juifs à Sion est un gène dominant de l’ADN de l’État juif. Les actes ont été et sont nombreux, et comme dans chaque domaine de l’action publique certains ajustements sont toujours nécessaires. Je n’ai aucun doute que de la même façon que l’État d’Israël a su intégrer plus de trois millions et demi d’olim originaires de dizaines de pays du monde entier avec un succès qu’aucun pays au monde n’a obtenu, il saura intégrer les olim de France dans les années à venir. Il est nécessaire de continuer à œuvrer auprès des responsables politiques pour accélérer l’Alya des Juifs de France et faciliter leur intégration dans tous les domaines de la vie israélienne mais il n’est pas moins nécessaire de rappeler à chacun tous les efforts qu’Israël fait pour que l’Alya demeure l’une des priorités de l’État d’Israël. Rappelons à nos frères juifs du monde entier qu’Israël les attend les bras grand ouverts et que s’ils sont prêts à investir les efforts nécessaires pour contribuer à développer Israël, ils s’intégreront d’autant plus rapidement. L’Alya est une success story, c’est le rêve millénaire et prophétique du retour à Sion qui se concrétise sous nos yeux, c’est le rassemblement des exilés qui permet de former à nouveau l’Unité d’Israël. Encourageons les Juifs de France à nous rejoindre et cessons de les effrayer. Armés de patience et de volonté, leur Alya sera une réussite comme l’a été la mienne, la vôtre, la nôtre et celle de dizaine de milliers de Juifs français.
Coordinateur Alya France. Ministère de l’Alya et de l’Intégration
Je pense que ce sentiment est mal fondé. Vu mes fonctions, j’ai eu l’occasion de côtoyer des hommes et femmes politiques israéliens qui avaient réellement la volonté de répondre aux attentes des olim de façon générale et des olim français en particulier. Cependant, le système politique israélien étant ce qu’il est, la tenue d’élections générales et par la suite les changements de gouvernement qui les suivent sont si fréquents que trop souvent les politiciens ne peuvent arriver au bout de leur démarche. Ceci étant dit, on a l’impression qu’à la suite des dernières élections et en ce début de législature, le nouveau gouvernement est là pour durer et ceci donne un nouveau souffle aux différentes initiatives pour les olim. Les lois votées récemment en faveur des dentistes et des professions paramédicales, dues entre autres au travail du ministère de l’Alya et de l’Intégration et de son ministre Zeev Elkin en sont la preuve. Ces lois avaient déjà été élaborées et discutées lors de la précédente Knesset, ce qui prouve que les processus législatifs sont lents et qu’il faut s’armer de patience…
Mais nous sommes témoins aussi d’une accélération de propositions de lois en faveur des olim grâce, notamment, aux différentes organisations d’olim récemment créées ou plus anciennes… et donc il existe en ce moment une réelle prise de conscience d’un très grand nombre de politiciens que la période actuelle est favorable à une augmentation substantielle du nombre d’olim, plus précisément d’Europe. Ainsi, on espère que d’autres lois pourront être votées en faveur des olim surtout dans le domaine de la reconnaissance des diplômes. Aussi, espérons que le temps passé entre les propositions de nos politiciens en faveur des olim et leur réalisation se réduira considérablement.
Président de AMI
L’alya de France a encore augmenté de façon significative en 2015 et tous les paramètres nous confirment que ce flux important va continuer dans les années à venir. Il est donc tout à fait naturel que les hommes politiques israéliens s’y intéressent. Mais ne soyons pas naïfs, ce n’est pas la problématique des Francophones et de de leur intégration qui les interpelle, mais plutôt le fait qu’ils perçoivent dans cette alya un potentiel électoral non négligeable à un moment où l’équilibre politique à la Knesset est très précaire.
Au parlement israélien nous avons plus de dix russophones, un olé d’Éthiopie, deux argentins, un canadien, un américain, plusieurs marocains et parmi eux un seul vrai francophone – Eli Alalouf – qui a pris à bras le corps les préoccupations de l’alya de France. Ceci nous confirme donc que nous devons continuer à nous impliquer plus encore dans l’arène politique afin que tous les partis prennent la vraie mesure de la communauté francophone israélienne et qu’enfin un olé de France trouve naturellement sa place à la Knesset ou au gouvernement. C’est donc dès aujourd’hui que nous devons militer et agir au sein des différentes formations politiques, chacun selon ses convictions, afin d’influer efficacement sur les dirigeants et de ne pas se sentir manipulés ou abandonnés comme ce fut trop souvent le cas lors des précédentes échéances électorales.
Directeur de Qualita
De mon point de vue, il n’y a toujours pas suffisamment d’actes et notamment de la part du Premier ministre. Au lendemain de l’Hypercacher, Binyamin Netanyahou s’est adressé aux Juifs de France en les encourageant à faire leur Alya et en promettant que le gouvernement ferait le maximum pour faciliter leur intégration. Il s’agit maintenant de faire ce qu’il faut pour cela ! Or, on constate qu’il n’existe aucun plan stratégique pour l’intégration des olim de France. Sur certaines décisions ponctuelles comme la reconnaissance des diplômes de dentistes, la pression que nous avons tous mis a porté ses fruits. Mais cela ne s’inscrit pas dans un plan global du gouvernement.
Dov Maimon a écrit pour le gouvernement un plan pour l’intégration des olim de France, Qualita aussi. Nous avons chiffré à 400 millions de shekels sur trois ans le cout de cette intégration réussie. Et le retour sur investissement sera énorme pour l’État. Nous savons donc ce qu’il faut faire pour l’intégration professionnelle, éducative et sociale et toutes nos demandes sont tout à fait réalisables. Il suffit maintenant de mettre en œuvre ce plan qui aura un impact inouï sur la qualité de l’intégration des Olim et donc, sur l’avenir de l’Alya. C’est le moment d’agir ! La situation en France et l’augmentation du nombre d’Olim de France devraient pousser le gouvernement à saisir cette opportunité historique et à être proactif en mettant en œuvre un plan stratégique d’urgence, sans attendre. C’est juste une question de volonté politique !