Jérusalem n’est mentionnée dans aucun des plus de six mille versets du Coran, ni sous le nom d’al-Quds, ni sous celui de Baït al-Maqdis, fréquents dans la littérature arabe. C’est plus que surprenant, quand on sait qu’une partie importante du Coran reprend les histoires rapportées dans la Bible ou dans la tradition orale du peuple d’Israël, dans lesquelles Jérusalem est rappelée un nombre de fois incalculable. Ce n’est que relativement tard que la tradition islamique a identifié la mosquée d’al-Aqsa avec Jérusalem. Cette mosquée est rappelée une fois dans le Coran, comme celle de laquelle Muhammad serait monté au ciel.
Dans la tradition musulmane, Jérusalem est appelée « la première des deux directions » (de la prière) et « la troisième des deux mosquées ». L’explication courante de la première expression est que si, au début, Muhammad a orienté la prière musulmane en direction de Jérusalem, il l’a reniée au profit de la direction de la Mecque. La deuxième expression indique qu’il n’y a que deux lieux saints pour l’Islam : la Mecque et Médine, villes dans lesquelles Muhammad a résidé, et que Jérusalem n’en est pas un. (Voir l’excellent article d’Éliezer Cherki dans Controverses, 17, juin 2011)
Ce rapport méprisant à Jérusalem s’est exprimé tout au long de l’histoire de l’Islam. Durant 1 300 ans de domination musulmane dans la région, Jérusalem n’a jamais servi de capitale à un califat. Elle n’a même jamais été choisie comme capitale régionale. Par exemple, les califes fatimides et ottomans lui ont préféré Ramla. À la veille du sionisme, en 1845, vivaient à Jérusalem seulement 15 000 habitants environ, dont près de la moitié étaient des Juifs. De 1949 à la guerre des Six jours, sous domination jordanienne, elle n’a pas servi de capitale au régime hachémite, qui l’a d’ailleurs délaissée. Le quartier du Mur occidental était miséreux, et servait de dépotoir, et pas de lieu de pèlerinage pour tous les Musulmans du monde.
Jérusalem n’a revêtu d’importance dans l’Islam que dans deux cas : le premier, quand le sultan musulman qui contrôlait Jérusalem avait besoin d’un contrepoids face à celui qui contrôlait la Mecque. Ce fut le cas, déjà au septième siècle, du temps du calife omeyyade Abd al-Malik, qui fixa que le pèlerinage à Jérusalem remplaçait celui à la Mecque, et interdit de se rendre à la Mecque. Jérusalem est aussi devenue importante dans l’Islam, chaque fois qu’elle est passée sous domination non musulmane. Ainsi, lorsque les Croisés conquirent Jérusalem, commencèrent à fleurir des sources vantant la sainteté de la ville et appelant au djihad pour la libérer.
On trouve la preuve flagrante de l’insignifiance de de Jérusalem, dans les décisions juridiques d’Ibn Taymiyya, juriste du 13ème siècle, le décisionnaire pour l’ensemble des courants islamiques radicaux de nos jours. Il a interdit de faire vœu de pèlerinage à Jérusalem, a interdit d’associer le pèlerinage à Jérusalem à celui à la Mecque, et a ordonné de mettre à mort quiconque agirait ainsi.
De nos jours, avec le retour de Jérusalem aux mains du peuple d’Israël, après deux mille ans d’exil, et pour cette raison même, al-Quds reprend une importance capitale aux yeux des Musulmans. Cette importance fictive a un but suprême : l’accomplissement du devoir religieux de chasser les « hérétiques » de la « Maison de l’Islam », à savoir d’une terre autrefois sous domination musulmane, comme Jérusalem… ou Tel Aviv.
La décision de l’Unesco, qui prétend que le mont du Temple et le Mur occidental sont des sites palestiniens, décision entérinée, à leur grande honte, par de nombreux pays occidentaux, ne fait que renforcer les Musulmans dans leur intention d’évincer le peuple d’Israël de sa capitale.
Aucune illusion à se faire : ce ne serait qu’une première étape dans la voie de la destruction de l’État hébreu. En cette période ou nous avons commémoré le jour de Jérusalem, il est crucial de bien comprendre les motifs profonds de ceux qui visent à nous chasser de Jérusalem, capitale éternelle d’Israël.
Ephraïm Herrera est docteur en histoire des religions, diplômé de la Sorbonne et vient de publier « Les maîtres soufis et les peuples du livre » aux Éditions de Paris, ainsi que « Le Jihad, de la théorie aux actes » et « Étincelles de Manitou » aux éditions Elkana.
Photo by Nati Shohat/FLASH90