Lorsqu’en Français, on ‘parle hébreu’, cela signifie ‘tenir des propos inintelligibles et incompréhensibles’. L’expression est triviale, avec une pointe d’offense. Mais, comme s’il s’agissait d’un effet boomerang, nombre de mots hébraïques sont entrés tout droit dans la langue française. Certains empruntés à notre liturgie et que la plupart des langues ont adoptés, comme Amen, Alléluia, Hosanna. D’autres avec une connotation péjorative prononcée: le Salamalec, qui n’a rien à voir avec la belle formule שָׁלוֹם עֲלֵיכֶם, Shalom ‘Ale’hem. Le Sabbath, cette assemblée nocturne de sorcières, tellement blessante et si éloignée de notre saint Shabbath. Le charivari que le dictionnaire rapproche du mot חֲבֵרִים ‘Haverim, communauté (juive) dont les membres fêtaient parfois bruyamment certains événements. Le chérubin, compris comme un singulier, alors qu’en Hébreu il s’agit d’un pluriel כְּרוּבִים Keroubim (l’Anglais est sans la faute, Cherub). L’abracadabra, du vocabulaire de la magie, dont l’origine est certainement hébraïque ou araméenne, le capharnaüm de כְּפַר נַחוּם, Kfar Na’houm, village près de Tibériade, le tohu-bohu, une cabale, la géhenne, l’hysope, le benjamin et bien d’autres encore.
Et puis, il existe cette similarité lexicale, frappante et séduisante, entre les deux langues. Ou imaginée ou fondée, cette méthode mnémotechnique, une parmi d’autres, peut faciliter l’assimilation de l’Hébreu tout en réalisant des exploits surprenants.
En voici quelques exemples glanés pêle-mêle d’une analogie phonique remarquable:
- טֶרֶף Téréf une proie, qui ressemble étrangement au mot trophée ou triomphe.
- סְגֻלָּהSégoula que l’on pourrait traduire par ‘une chose qui possède une propriété unique’, est à rapprocher du mot singulier.
- תַּרְגּוּם Targoum, ‘traduction’ qui rappelle sous bien des aspects le ‘truchement’ ou personne qui sert d’intermédiaire. (Dictionnaire étymologique)
- Le simple mot אַבָּא Abba, ‘père’, ancêtre du mot abbé, pape ou pope.
- ציוּן Tsyoun, monument, tombeau, proche du ‘signe’.
- אָמִיר Amir, le sommet, la pointe d’un arbre, que l’on peut facilement rapprocher de ‘l’émir’, personnage important du monde musulman.
- שַֹק Sac qui parait été calqué de l’Hébreu au Français. A nouveau calqué, le mot קֶֶרֶן Keren, Corne d’un mammifère. Soit dit en passant, le mot signifie également ‘rayon lumineux’, ce qui a fait que Michel Ange a orné son Moïse de cornes (!), erreur aussi stupide que grossière.
- Les mots degré et gradin semblent être dérivés deמַדְרְגָה Madrega, escalier.
- Que dire du mystère et du סֶֶתֶר Setere, secret!
- Ou bien encore du שֶׁקֶל Shekel et du Schilling?
- מָוֶתMaveth, (la mort) analogue au verbe Muter et גִּבּוֹר Guibor, (fort) à gouverner . בַּיִת Bayth, (maison) analogue à Le verbe כָּרָה si proche de sa traduction creuser ou encore קַָרָא Kara, crier, etc …
Mon beau-père, le rabbin Meyer Zini ז”ל, me racontait que son propre père, rabbin de langue arabe de l’Algérie des années 30, cherchait de temps à autre comment dire tel ou tel mot en Français. Lorsqu’il désigna la pièce de tissu que l’on étend sur un lit, on lui dit que son correspondant français était ‘couverture’. Esprit agile et fécond, dont tout l’univers était le monde de la Thora, il compara immédiatement le mot couverture, consonne pour consonne, au mot כַּפּוֹרֶת, Kapporeth, le couvercle placé au-dessus de l’Arche où étaient déposées les Tables de la Loi dans le Tabernacle. (Lev. 25: 21).
A vous d’en faire autant en laissant flotter votre imagination …
Vous pourrez toujours consulter avec intérêt le livre de Bruno Dray, “Les trésors étymologiques de la Bible” qui a amplement développé le sujet.
Shabbath Shalom
Yaakov Levi
Rav de la communauté A.T.R.I.D. (Arnona Hatse’ira, Jérusalem)